Sur les traces des «anciennes eaux» de Paris, de Rungis au Pré-Saint-Gervais

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Si la Rive droite de Paris s’est développée plus vite que sa Rive gauche, c’est aussi en partie grâce à son meilleur accès à l’eau dès la fin du Moyen Âge. Mais avant de raconter cette histoire, il nous faut remonter siècle après siècle et décrire quelques-unes des métamorphoses souvent souterraines qu’a connues l’eau de Paris.

Publié le : 19/09/2024 – 11:14Modifié le : 19/09/2024 – 12:21

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Depuis les travaux du préfet Haussmann et d’Eugène Belgrand, durant le Second Empire, Paris va chercher ses eaux à 100 ou 150 kilomètres de distance. Celles-ci viennent rejoindre les grands réservoirs de Montsouris, de Saint-Blaise ou de Ménilmontant. L’apport est complété par les eaux de la Seine et de la Marne, qui sont traitées par de grandes usines en banlieue, comme celle de Saint-Maur-des Fossés, qui a connu une exceptionnelle longévité, avec de multiples réaménagements entre 1864 et 2016.

Les grandes lignes de l’alimentation en eau encore en vigueur aujourd’hui datent de cette époque-là. En remontant le temps d’un demi-siècle, jusqu’au Premier Empire, la nécessité de répondre aux exigences croissantes d’une ville en pleine expansion se fait déjà sentir. On va alors chercher des solutions du côté du canal de l’Ourcq et du bassin de la Villette. Deux siècles plus tôt encore, entre 1613 et 1623, le grand aqueduc de Marie de Médicis remonte jusqu’à Rungis. Vingt-sept regards – des puits qui permettent d’avoir accès à des canalisations – rythment sa course.

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Le dernier, la maison du Fontainier, est régulièrement ouvert à la visite. Il donne sur l’actuelle avenue de l’Observatoire, dans le XIVe arrondissement. Destinées au départ à alimenter le palais du Luxembourg, les eaux de l’aqueduc sont finalement en partie réservées aux besoins populaires : quatorze fontaines sont créées sur la Rive gauche, qui n’en comptait jusque-là aucune et une quinzième est installée sur la place de Grève, de l’autre côté du fleuve.

Rive gauche, l’eau du fleuve et des puits, à défaut de fontaines

Avant cela, Rive gauche, on puise l’eau directement dans la Seine ou dans son affluent, la Bièvre, entièrement recouverte à Paris depuis 1912 et déjà très polluée par les industries au XVIIe siècle. On utilise aussi des puits. Un inventaire réalisé au milieu du XIXe siècle en dénombre plus de 30 000 dans Paris. Quelques centaines sont toujours en place aujourd’hui, souvent à l’abri des arrière-cours. D’autres sont bien visibles, comme au Jardin des Plantes, au musée de Cluny ou dans la cour du Louvre. Mais il faut creuser profondément, parfois plus de vingt mètres, avant d’atteindre les nappes phréatiques.

La Rive droite, où se rassemble le peuple de Paris, la Rive gauche étant surtout occupée par les religieux et les étudiants, a un atout de poids pour l’alimentation en eau : la colline de Belleville. Elle possède en effet un sous-sol argileux, qui laisse glisser l’eau sur ses pentes, et permet de puiser dans des nappes superficielles. Les moines de l’abbaye de Saint-Martin-des-Champs tirent profit dès le XIIe siècle de cette particularité géologique et dès le siècle suivant, la ville commence la construction du grand aqueduc de Belleville.

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Le regard de la Lanterne – pièce maîtresse des eaux de Belleville, toujours visible aux environs de la Place des Fêtes – est réalisé entre 1583 et 1613. Une volée d’escaliers et quelques mètres suffisent pour accéder à une grande vasque d’eau pure, dont le trop-plein se vide dans une conduite dirigée vers le centre de Paris. Ces pierrées mènent à des tuyaux de poterie ou de plomb qui viennent alimenter des fontaines publiques et mènent jusqu’à l’hôpital Saint-Louis.

Rive droite, les eaux de Belleville et du Pré-Saint-Gervais alimentent les fontaines publiques

Les eaux voisines du Pré-Saint-Gervais complètent le dispositif et courent jusqu’à la fontaine des Innocents, dans l’actuel quartier des Halles. C’est à ce second réseau qu’appartient le regard du Trou-Morin, lui aussi toujours fonctionnel. Construit au XVIIe siècle, il se trouve dans une zone pavillonnaire du Pré-Saint-Gervais, avec de nombreux jardins. Dans cet environnement assez conforme à ce qu’il devait être avant la grande bétonisation de la ville, le petit édifice de quatre mètres sur cinq produit encore aujourd’hui un litre d’eau par seconde. Mais cette manne, comme toutes les eaux produites par les deux réseaux, finit désormais dans les égouts de Paris.

Pour l’ingénieur Belgrand, grand ordonnateur des « eaux nouvelles » dans le Paris de Napoléon III, ces « anciennes eaux » ne présentaient en effet plus aucun intérêt. Les réseaux sont abandonnés. Le regard de la Lanterne et celui du Trou-Morin sont classés monuments historiques en 1899, mais ils ne bénéficient d’aucun soin particulier. Le premier sert littéralement de décharge avant d’être nettoyé et restauré par les bénévoles de l’ASNEP (Association Sources du Nord – Études et Préservation), créée en 1993.

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En 2006, le classement s’étend à tous les ouvrages liés aux eaux de Belleville. Un dernier regard est détruit en 1996. Celui des Maussins, classé lui aussi en 1899, a été déplacé en 1963 lors des travaux du périphérique. Ce n’est plus désormais qu’une coquille vide. Une vingtaine de regards, sur la quarantaine que comptaient les deux réseaux, sont quand même arrivés jusqu’à nous. Quant aux conduites, la légende voudrait qu’elles aient servi à faire circuler clandestinement du vin sans passer par la barrière de l’octroi. Leurs dimensions réduites rendent cependant cette anecdote peu vraisemblable.

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