Depuis trop longtemps cachée par la grisaille des échafaudages, l’iconique fontaine des Innocents (1er) a disparu dans l’hiver de Paris. Les badauds défilent, le nez pointé vers l’enseigne rouge de Five Guys, s’escriment à éviter la pluie perçante, mais ne daignent plus lui jeter un regard. Pourtant, dans quelques mois, en juin 2024, les sublimes nymphes d’Augustin Pajou vont raviver la flamme. Le voile d’acier va tomber dans la dernière ligne droite menant aux Jeux olympiques, et ainsi révéler la seconde jeunesse de celle qui pourrait être la plus ancienne fontaine de la capitale.
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Une renaissance poussive
Les affres du temps avaient grignoté avec gourmandise la beauté de ce joyau de la Renaissance inscrit à l’inventaire des monuments historiques. Et avec elle, une partie de l’histoire de Paris. Des éléments des façades et des sculptures s’effaçaient, la pollution s’attaquait à la pierre.
En 2019, une association de riverains avait d’ailleurs alerté la maire de Paris, Anne Hidalgo, et rappelait que le Conseil de Paris avait voté un budget de 4 millions d’euros pour la restauration de la fontaine dès 2014… Entre ces deux dates, aucun chantier n’avait démarré.
« C’est un vieux sujet », a admis une décennie plus tard l’adjointe en charge du patrimoine, Karen Taieb, lundi 26 février 2024, lors de l’une des ultimes visites du chantier.
Mais après des études en 2018, la mise en place d’un comité scientifique en 2019, une phase de test entre avril et juin 2022, et plus d’une année de restauration, le bijou de la place Joachim-du-Bellay va à nouveau révéler au grand jour ses charmes.
Accompagnée d’une grande exposition au musée Carnavalet
À l’ombre des regards indiscrets, la pierre a regagné de son éclat. Au sommet, les écailles du dôme ont été finement brossées et nettoyées. Plus bas, une dizaine de personnes s’affairent quotidiennement, au différents étages de la structure, sur les bas-reliefs, dont les trois nymphes d’Augustin Pajou restaurées sur place.
Les cinq nymphes datant du 16e siècle de Jean Goujon, ainsi que l’attique sud d’Augustin Pajou, ont eux été déposés afin d’être restaurés en atelier. « Elles seront présentées lors d’une exposition exceptionnelle au musée Carnavalet (3e), du 24 avril au 25 août 2024. Un moment où il sera aussi possible d’assister à un atelier de restauration sur des tirages en plâtre réalisés d’après des reliefs de la fontaine », tease impatiente Karen Taieb. En parallèle, des copies des nymphes ont pris leur place dans la fontaine.
En juin 2024, la remise en eau et la mise en lumière devraient également être opérées. Après les Jeux, enfin, le revêtement de sol définitif sera posé. Un chantier faramineux, dont le coût global avoisine les 4,5 millions d’euros. « Il est pris en charge presque essentiellement par la Ville de Paris, puisque la part de la DRAC (direction régionale des affaires culturelles) s’élève à 631 000 euros », se félicite Emmanuel Grégoire.
Après des années d’agonie, la fontaine des Innocents, dont l’histoire a débuté au 13e siècle, s’apprête bel et bien à reprendre vie à un moment charnière pour sa ville.
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