Jean-Louis Robert, historien français, est à l’origine du recensement des 94 415 Parisiens morts lors de la Première Guerre mondiale. Il est aussi, avec le soutien de la Ville de Paris, le créateur d’un monument virtuel, accessible en ligne, en leur mémoire. Interview.
Le 11 novembre 1918, la Première Guerre mondiale prend fin avec la signature de l’Armistice. Les édiles des communes de France commandent la création de monuments aux morts – près de 30 000 seront édifiés entre 1918 et 1925. Mais Paris ne suit pas, alors que sur les 500 000 soldats parisiens partis au front, 94 415 ne revinrent pas.
Pourquoi Paris n’a-t-il pas, à l’époque, fait édifier un tel monument ?
C’est à partir de ces sources que vous avez pu recenser tous les noms, et que vous avez eu l’idée de créer un monument virtuel accessible en ligne ?
L’idée de ce monument virtuel c’est votre initiative ?
Jean-Louis Robert : Oui c’est mon idée, mais c’est la Ville de Paris qui a soutenu et financé tout le projet et les recherches des étudiants notamment. Chaque étudiant a fait un dossier dans chaque mairie. Nous avons alors pu tout inscrire sur un site informatisé et accessible en ligne. Mais il a fallu pas moins de trois ou quatre ans pour tout recenser. L’écriture très spécifique de l’époque, les erreurs sur les noms propres ou sur les dates du décès rendaient le travail très minutieux. Moi cela m’a pris deux ans de travail à plein temps. Et cela a enfin vu le jour en 2016.
Que pensez-vous de cette forme virtuelle de Monument aux morts ?
Qu’est-ce qui vous a motivé pour faire ce recensement et le rendre visible à tous avec cet outil ?
Jean-Louis Robert : C’est une combinaison de plusieurs facteurs, je dirais. En tant qu’historien, je suis un spécialiste de la guerre de 14. Je suis spécialisé dans l’histoire sociale et dans l’histoire de Paris. C’est en travaillant avec des étudiants que l’on s’est rendu compte de cette absence. Après, au niveau personnel c’est un hommage à mon grand-père qui a été combattant de cette guerre. Je me souviens, quand j’étais enfant, j’essayais de le faire parler de ce qu’il avait vécu là-bas. Il était artilleur, c’était moins dur que d’être fantassin, mais il a été blessé plusieurs fois au combat. Il n’a jamais souhaité en parler. Je n’ai jamais réussi à lui faire évoquer ses souvenirs. Même trente ans après, il gardait le silence…
Ce monument virtuel, c’était dans un objectif de mémoire ?
Jean-Louis Robert : Oui très certainement, mais c’était aussi un objectif historique avec comme enjeu l’image de Paris. Car, il courait un certain nombre de rumeurs qui s’étaient d’ailleurs créées pendant la Première Guerre elle-même. Ces rumeurs n’ont pas été forcément reprises par les historiens, mais elles n’étaient pas très contrées non plus : on disait que Paris avait été une ville d’embusqués, que les campagnes avaient tout donné, alors qu’à Paris beaucoup s’étaient planqués, qui dans un état-major, qui dans un ministère, qui dans une usine, etc. Dans l’histoire sociale de la guerre, c’était intéressant de voir ce qu’il en était vraiment. Finalement, il est apparu que la mortalité parisienne n’a été nullement inférieure à la mortalité des campagnes et que Paris a autant donné. On a d’ailleurs pu constater que les Parisiens ont plus donné durant la guerre de mouvement des trois quatre premiers mois. Du fait de la proximité du front et des casernes parisiennes proches, la mobilisation a été plus rapide et les régiments qui se sont formés à Paris sont ceux qui sont montés en premier, avec les Lorrains et les gens du Nord. Et les premières batailles ont été horribles, car elles étaient à découvert et elles ont été extrêmement mortelles.
Est-ce que la jeune génération peut être touchée par ce monument ?
Jean-Louis Robert : Je pense qu’il y a eu beaucoup d’émissions, de documentaires, de livres. Il y a aussi beaucoup de films. Malheureusement une guerre c’est spectaculaire, c’est un objet filmographique intéressant pour les réalisateurs. Après je ne sais pas quel écho cela a sur les jeunes. Mais ce monument virtuel et bientôt le monument physique sur l’enceinte du Père-Lachaise qui sera dévoilé le 11 novembre 2018 peuvent avoir du sens pour eux. Lire près de 95 000 noms sur un monument c’est se rendre compte de l’ampleur du sacrifice. Cela a un impact sur l’affect des personnes, sur leur sensibilité. Ces monuments sont à la mémoire des hommes morts pour la France, bien sûr. Mais je pense que le sens de ces monuments c’est d’abord de comprendre l’importance de la paix. Pour moi c’est un monument pour la paix plus qu’un monument sur l’héroïsme de la guerre.
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