Quelques jours avant le lancement d’Art Basel Paris, Clément Delépine nous recevait dans les locaux de la foire, situés à proximité du Grand Palais. En amont de cette semaine où Paris va vivre au rythme de l’art contemporain, le directeur d’Art Basel Paris nous présentait les nouveautés de cette première édition dans le monument récemment rénové et les temps forts à ne pas manquer. Du parcours hors les murs aux nouveaux espaces thématiques de la foire, en passant par la particularité d’Art Basel Paris qui profite du riche paysage culturel de la capitale, découvrez notre entretien avec Clément Delépine.
Connaissance des Arts : Aujourd’hui, qu’est-ce qu’Art Basel Paris ?
Clément Delépine : Art Basel Paris est une foire d’art moderne et contemporain qui se tiendra cette année du 18 au 20 octobre au Grand Palais et sera complétée par un programme public.
Qu’allons-nous retrouver dans ce programme public ?
Pour le programme public, qui est le volet plus institutionnel de la foire, nous avons mis en place un certain nombre de partenariats avec des institutions parisiennes pour donner à voir de l’art dans l’espace public et dans des lieux de patrimoine qui sont au centre de la vie parisienne. Nous cherchons à provoquer une conversation entre les œuvres données à voir et le public, qu’il soit averti ou non. Le programme public est accessible gratuitement et ouvert à toutes et tous.
Quelles œuvres pourrons-nous découvrir ?
Au Palais d’Iéna par exemple, nous préparons une installation ambitieuse qui est présentée par notre nouveau partenaire Miu Miu. C’est le prolongement de l’engagement de la marque pour la création contemporaine avec la présentation des commandes réalisées dans le cadre du projet « Tales & Tellers » faites auprès de cinéastes femmes. Elles seront présentées en parallèle d’autres commandes faites à des artistes qui sont intervenues sur la scénographie des défilés. C’est le cas des artistes Cécile B. Evans ou Meriem Bennani et des cinéastes comme Mati Diop ou Miranda July. Ces présentations seront performées par des actrices, des acteurs, des performeuses, des performeurs au Palais d’Iéna, et complétées par un programme de conversation.
Niki de Saint Phalle, L’Arbre-serpents, 1988, miroir, peinture à base d’uréthane et feuille d’or sur PRF et ciment, 270 x 320 x 230 cm, unique © Niki de Saint Phalle. Courtesy de la Niki Charitable Art Foundation et de la Galerie Mitterrand. Photo: Grégory Copitet
Une œuvre monumentale de Niki de Saint Phalle (galerie Mitterrand) sera présentée sur le parvis de l’Institut de France. Cela nous intéresse d’exposer l’œuvre de Niki dans un lieu qui est à la fois le siège de l’Académie des beaux-arts et le siège de l’Académie française, lieu où se définit le canon français, pour montrer comment une artiste aussi subversive que Niki Saint Phalle peut questionner cette définition.
Jean-Charles de Quillacq. Photo by Daniele Molajoli
La Chapelle des Petits-Augustins des Beaux-Arts de Paris accueillera l’artiste Jean-Charles de Quillacq (galerie Marcelle Alix) avec toute une réflexion sur la statuaire et sur la morbidité. Il y a un enjeu contextuel qui me semble intéressant puisque la chapelle des Petits-Augustins est le premier musée de France à avoir ouvert au public en 1798. Fermé l’an dernier pour rénovation, le musée Delacroix a rouvert et présentera des œuvres de l’artiste Ali Cherri (Almine Reich).
Ali Cherri, Almine Rech. Courtesy Ali Cherri and Almine Rech
Le dernier projet du programme public Place Vendôme a été révélé récemment. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Place Vendôme sera présenté par la galerie Gagosian, un champignon géant de l’artiste Carsten Höller. L’œuvre sera disposée sur un socle qui tournera de 90° en fonction des différentes phases de la Lune. Un contrepoint humoristique selon moi à l’exposition du musée d’Art moderne de Paris consacrée à l’art nucléaire et notamment aux œuvres d’Enrico Baj. Cela m’évoque beaucoup de choses, notamment, sur le statut même du champignon, comme un organisme qui est ni végétal, ni animal, mais tout à fait résilient. C’est aussi un clin d’œil à la poursuite d’une réflexion sur le micro et le macro engagée par l’artiste. En parallèle de cette présentation Place Vendôme, Carsten Höller ouvrira un pop up à Paris pendant la semaine de la foire qui fait écho à son restaurant Brutalisten à Stockholm. Le champignon de la place Vendôme pourra se retrouver dans les assiettes des convives.
Carsten Höller Giant Triple Mushroom, 2024. Amanite tue-mouches / Satyre voilé / Tricholoma columbetta, aluminum, acier inoxydable et peinture, 300 x 295 x 240 cm © Carsten Höller Photo: Minko Minev Courtesy the artist and Gagosian
Quelles sont les nouveautés de cette année ?
La nouveauté du programme public est son déploiement. Le déplacement de la foire au Grand Palais a fait se repositionner le centre de gravité du programme public. Le partenariat avec Miu Miu au Palais d’Iéna nous permet notamment de réaliser une des promesses de la foire qui est celle du pluralisme et de la transdisciplinarité avec l’ouverture à d’autres champs créatifs, comme ici la mode.
Nous avions à cœur de renforcer le lien avec le Petit Palais. Le lieu accueillera une exposition de l’artiste britannique Jesse Darling, qui a gagné le Turner Prize en 2023. Dans la galerie sud du Petit Palais, il recontextualisera et augmentera une installation du nom de Vanitas, repensée pour le contexte français, sur la liberté de déplacement. Avec le soutien de la ville, l’avenue Winston Churchill sera quant à elle piétonnisée et accueillera une œuvre de Yayoi Kusama, une de John Chamberlain et une grande maison démontable de Jean Prouvé.
Jean Prouvé, Galerie Patrick Seguin. Courtesy of Galerie Patrick Seguin
Nous avons également noué un nouveau partenariat cette année avec le Centre des monuments nationaux qui recevra dans la cour de l’Hôtel de la Marine une grande éolienne de l’artiste grec Takis. Dans le domaine national du Palais Royal, un parcours d’œuvres sera présenté pour rendre hommage à l’histoire de la sculpture. Il mettra en dialogue des grandes figures de la sculpture et fera un écho lointain au surréalisme, avec par exemples Thomas Schütte et Amilcar de Castro. Le programme public se conclura à l’hôtel de Sully où seront exposées des œuvres de l’artiste britannique Lynn Chadwick (galerie Perrotin), sous le commissariat de Matthieu Poirier.
Pour Art Basel Paris 2024, l’Hôtel de Sully accueillera une exposition de Lynn Chadwick. Courtesy of Lynn Chadwick’s Estate and Perrotin
Initialement, le parcours d’œuvre dans le jardin des Tuileries, en collaboration avec le musée du Louvre, est le cœur battant du programme public. Le jardin des Tuileries étant ayant été très sollicité par les Jeux olympiques, nous avons préféré mettre en pause la présentation cette année pour la reprendre en 2025.
Quelle est la particularité d’Art Basel Paris par rapport aux autres foires ?
Tout ce qui nous préoccupe, c’est de trouver le meilleur moyen de distinguer cette foire de ces trois sœurs. Art Basel opère quatre foires dans le monde, la première étant celle de Bâle qui a ouvert en 1970, puis est venue Miami Beach en 2002, Hong Kong en 2013 et enfin Paris en 2022. In fine, nous souhaitons faire honneur à l’histoire de l’art et de mettre en avant les contextes. La relation à une œuvre d’art, c’est aussi la relation à un contexte. Nous voulons ancrer profondément cette foire dans le paysage culturel parisien.
La première foire d’Art Basel se déroule à Bâle en Suisse. © Art Basel
Ce qui pourrait nous faire défaut d’un point de vue strictement logistico-organisationnel, c’est l’espace en moins par rapport à la place que nous avons à Bâle ou à Miami. Mais, nous avons une beauté contextuelle qui est sans égale, une richesse institutionnelle qui est tout à fait formidable et que nous cherchons à célébrer. Donc ce qui distingue la foire parisienne, au-delà de son engagement pour la scène française et les galeries françaises, c’est évidemment les relations qu’elle entretient d’une part avec la ville, mais également avec les grandes institutions, les grands musées publics et les fondations privées.
Pourriez-vous revenir sur les défis qui ont dû être relevés pour présenter cette édition au Grand Palais ?
Organiser une foire d’art moderne et contemporain dans le Grand Palais, c’est une chance formidable. C’est peut-être le plus bel endroit au monde pour y organiser des événements tels que celui qu’on porte. Mais le Grand Palais est un monument classé, un bâtiment historique qui sort d’une rénovation complexe comme le sont les chantiers de cette ampleur, qui a subi aussi un saut infrastructurel quand même relativement important. De nombreux aménagements ont été réalisés, notamment la mise en place d’une dalle thermique qui a été recoulée dans le sol, un nombre d’ascenseurs qui a été multiplié, des accès PMR qui ont été repensés… Tout pour rendre le lieu plus accessible.
Art Basel Paris 2024 sera la première foire ouverte au public à investir les espaces du Grand Palais rénové. © Chatillon Architectes pour GrandPalaisRmn. Courtesy of Art Basel
Et, ce qui nous a beaucoup enthousiasmés, c’est la réouverture des balcons. Cela permet une circulation ininterrompue des visiteurs sur les coursives, et nous impose de considérer la foire dans sa verticalité, puisqu’il y a un point de vue qui se dessine sur la foire. La foire est visible depuis le haut, on n’est pas dans une horizontalité absolue. Où replacer les galeries émergentes qui étaient au Grand Palais Éphémère positionnées au centre du parcours, un choix politique fort que nous avions fait à l’époque ? Nous avons fait le choix de les disposer sur les balcons. Elles passent à l’étage mais elles restent malgré tout dans le centre dans la foire, puisque visibles depuis la nef. Nous tissons un lien symbolique entre les galeries très établies du présent et celles qui le seront dans le futur.
L’entrée de Paris + par Art Basel au Grand Palais Éphémère en 2022. Courtesy Paris + par Art Basel
Nous nous sommes aussi demandé comment conceptualiser cet événement avec les espaces qui se présentaient à nous. Le comité de sélection a fait un travail titanesque pour considérer les différentes typologies de galeries qu’elles souhaitaient voir exposer dans chaque espace, puisque nous avons à cœur de proposer un événement qui excelle dans les espaces qu’on pourrait penser les plus nobles comme dans ceux les moins exposés. Le Grand Palais offre une richesse architecturale formidable, mais aussi des disparités entre les espaces qu’il faut considérer puisque l’expérience exposant aux visiteurs n’est pas la même.
Quelle est la place des galeries émergentes ?
La foire se divise en trois secteurs, le secteur principal pour lequel les galeries d’art moderne et contemporain de premier et second marchés candidatent avec leur programme. Dans le secteur Emergence, sur le balcon, seize jeunes galeries montrent des artistes émergents. Grâce à un partenariat avec le groupe Lafayette, un jury international choisit un artiste lauréat qui se voit proposer de créer une nouvelle série d’œuvres qui sera montrée l’année suivante à Lafayette Anticipations et dans le cadre de la foire. Cette année, le Libanais Mohamad Abdouni et l’Américaine Martine Syms présentent chacun une exposition personnelle à Lafayette Anticipations.
Il y a un nouvel espace cette année, le secteur Premise. En quoi consiste-t-il ?
Premise est une nouveauté 2024 qui se pense comme un espace de liberté curatoriale. Il prolonge le vieux tropisme de l’histoire de l’art qui dit que parfois c’est l’exposition elle-même qui peut faire œuvre d’art. On donne à voir dans une galerie du Grand Palais neuf galeries qui présentent des propositions thématiques et curatoriales assez précises et choisies sans restriction sur les différents types de médium, ni sur les typologies d’œuvres ou les matériaux, avec une possibilité pour ces galeries de montrer des œuvres qui prédatent 1900. L’enjeu est ici d’écouter les histoires que les galeries nous racontent.
Mohamed Melehi, Untitled, 1994. Courtesy of Loft Art Gallery
Quelles histoires les visiteurs pourront-ils découvrir ?
La galerie Loft Art (Casablanca et Marrakech) montrera une présentation de Mohamed Melehi, un artiste majeur, fondateur de l’Ecole de Casablanca. Son travail a été oublié mais a été recontextualisé plus récemment à la Biennale de Venise. Il s’agit d’une œuvre majeure qu’on a trop peu vue. C’est un privilège pour nous de pouvoir la présenter à la foire.
L’artiste Nil Yalter est la lauréate du Lion d’or 2024 de la Biennale de Venise. © Isabelle Arthuis
The Pill (Istanbul et Paris) présentera l’artiste Nil Yalter, Lion d’Or de la Biennale de Venise, et son projet intitulé The Ambassadress, un jeu de mots entre ambassadrice et robe. Elle questionne les habits du pouvoir et le pouvoir du vêtement. L’habit présenté sur le stand est une robe Lanvin qui date de la fin des années 1920. Elle a été portée par une femme d’ambassadeur qu’on ne nomme pas, mais dont on sait qu’elle a dansé avec des officiers nazis proches du pouvoir. Yalter développe à la fois un projet d’archives et fictif qui mélange la micro histoire dans la grande histoire et l’histoire fictionnelle dans l’historicité.
Est-ce qu’il y a des thèmes qui forment un fil rouge dans toute la foire ?
Il n’y a pas un thème à proprement parler. Par contre, il y a toujours des échos institutionnels au moment de la foire. Les grandes programmations qui seront données à voir dans la ville, dans les grands musées publics, dans les grandes fondations privées, que ce soit le Surréalisme au Centre Pompidou, Tom Wesselmann à la Fondation Louis Vuitton, l’Arte Povera à la Collection Pinault-Bourse de Commerce, l’art nucléaire au Musée d’art moderne… Tous ces artistes seront également présentés à la foire. Il y a un écho institutionnel qui enrichit la foire et l’institutionnalise. Même si la foire n’est pas un musée, j’estime qu’elle a une responsabilité institutionnelle.
Tom Wesselmann, Mouth #14 (Marilyn), 1967, huile sur toile mise en forme, 152,4 x 274,3 cm, Mugrabi Collection © Adagp, Paris, 2024 Photo © Jeffrey Sturges
Et, ce qui semble être l’enjeu des grands événements culturels des dernières années, comme la Biennale de Venise et Documenta, est la réécriture du canon. Il s’agit du privilège des institutions mais une foire permet de rendre compte des débats qui animent le champ de l’art et qui font tressaillir le marché à l’instant. Nous recevons beaucoup de propositions qui recontextualisent des pratiques invisibilisées ou sous appréciées pendant un certain nombre d’années. Si les institutions restent maîtresses de l’écriture du canon, la foire, elle, peut questionner à la marge ce qui le définit.
Est-ce que vous voyez émerger une certaine tendance sur le marché de l’art ?
Ce que j’observe à mon petit niveau c’est une prise en compte d’enjeux géographiques qui était un petit peu ignorée ces dernières années. Nous souhaitons interroger l’art tel qu’il est fait, pratiqué et produit dans d’autres régions du monde que celle que l’on a l’habitude de mettre en lumière. J’observe aussi un retour du geste, ce que l’on pourrait appeler le craft, un retour au savoir-faire artisanal.
Et, parallèlement, l’intérêt que certaines pratiques théoriques et postures militantes peuvent constituer en tant que pratique artistique de plein droit. Il y a peut-être en ce sens une forme de néoconceptualisme qui me semble pertinent.
Pouvez-vous expliquer le nouveau parcours Oh La La! ?
Oh La La!, c’est une initiative que nous lançons avec une idée relativement simple : rappeler au public que la foire dure cinq jours. Parfois une rumeur bruisse que la foire dure du mercredi au jeudi, puis qu’après les collectionneurs s’envolent, vont et viennent mais pas du tout. La foire a un volet qui se destine aux professionnels et aux VIP mais il y a aussi un volet public qui est extrêmement important à nos yeux puisqu’elle est ouverte au public du vendredi au dimanche.
Art Basel Paris investit le Grand Palais pour son édition 2024. Photo : Aliki Christoforou. Courtesy of Art Basel
Le programme Oh La La! soutient l’effort mis en place par les galeries de présenter un certain nombre de chefs-d’œuvre au moment des journées publiques. Un parcours thématique que nous avons choisi délibérément dans un clin d’œil à la ville, tournera autour de l’amour, de l’attraction et de l’érotisme parfois, pour réunir dans un art narratif différentes propositions des galeries que nous souhaitons mettre en avant.
Dans Oh La La!, il y a la répétition du titre qui est une manière de dire qu’on visite cinq foires différentes entre le mercredi, le jeudi, le vendredi, le samedi et le dimanche. C’est une manière d’encourager les gens à revenir et de remercier les galeries qui renouvèlent et maintiennent l’intérêt curatorial.
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