« Sous le Pont Mirabeau coule la Seine », écrivait en 1912 Guillaume Apollinaire. Le poète ignorait sans doute que le fleuve parisien cachait en son sein une multitude de trésors plus insolites et précieux les uns que les autres ! Découverts fortuitement ou à l’occasion de campagnes de fouilles menées en collaboration avec l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives), ce sont ainsi 150 vestiges appartenant au registre de l’utilitaire ou du religieux qui racontent en filigrane, à la crypte archéologique de Paris, l’histoire des premiers habitants des berges de la Seine.
D’une défense de mammouth à un silex taillé
Le parcours débute en fanfare avec cette spectaculaire défense de mammouth exhumée en 1991 dans la région de Fismes (département de la Marne), qui témoigne des rigueurs du climat apparues au rythme des différentes glaciations. « Les grands travaux à Paris et sa périphérie, dès la seconde moitié du XIXe siècle, ont fait surgir de nombreux vestiges d’animaux préhistoriques compris dans les alluvions des grands cours d’eau franciliens (Seine, Marne et Oise) », explique ainsi Grégoire Bayle, archéozoologue à l’Inrap.
Parmi les découvertes les plus impressionnantes, on dénombre en effet des squelettes complets de mammouth mis au jour à Paris au square Montholon, mais aussi dans les fondations du pont Caulaincourt, près du cimetière de Montmartre. À Clichy-La Garenne (Hauts-de-Seine), ce sont des os de bison et d’équidé datant de 50 000 ans avant notre ère qui ont été exhumés sur une ancienne berge de la Seine. Soit des vestiges on ne peut plus émouvants lorsque l’on sait combien la plupart des grands animaux des temps glaciaires ont disparu ou ont été contraints de migrer vers des régions plus douces comme l’Eurasie…
À la faveur des chantiers pharaoniques entrepris par le préfet Haussmann entre 1853 et 1870, les carrières de sable exploitées entre Clichy et Levallois vont, quant à elles, devenir le paradis des archéologues en herbe qui viendront y collecter des silex et des ossements de faunes disparues. Dans leur sillage, les visiteurs ne pourront qu’être séduits par cette longue vitrine illustrant les différentes méthodes de taille des outils lithiques établies, dès la fin du XIXe siècle, par le préhistorien amateur Jules Reboux. Il est d’ailleurs assez piquant d’imaginer ce pionnier de l’archéologie expérimentale testant l’efficacité de ses silex et de ses racloirs au sein même des abattoirs de Paris !
Et Lutèce vit le jour…
« Lutèce est une ville des Parisii, située dans une île de la Seine », décrit dans un style laconique Jules César dans La Guerre des Gaules. Quatre siècles plus tard, l’empereur Julien se montrera plus sentimental en évoquant « sa chère Lutèce » dans laquelle sont cantonnées ses troupes pendant les mois d’hiver, en attendant les beaux jours et de nouveaux combats… Dès la fin du Ier siècle av. J.-C. (période au cours de laquelle les premiers aménagements liés à l’exploitation du fleuve sont édifiés sur l’île de la Cité), la Seine fait pourtant l’objet d’un culte fervent auprès des populations.
« Dans le monde romain, les phénomènes de la nature sont observés comme des manifestations de puissances invisibles et divines, et l’eau est crainte pour l’énergie de ses courants ou la force de ses crues. Ce culte de l’eau, dont les origines gauloises sont aujourd’hui remises en question, se répand à l’époque augustéenne, conséquence de la romanisation et d’une nouvelle organisation politique et sacrée des territoires », explique ainsi Sylvie Robin, la commissaire de l’exposition.
Parmi les belles surprises de l’exposition, l’on ne manquera pas d’admirer cette myriade de petits ex-voto en pierre, en métal ou en bois aux vertus protectrices et apotropaïques tout à la fois qui traduisent combien le paganisme n’a jamais cessé d’irriguer de façon souterraine les mentalités. Longtemps interprétées comme des marques de pathologies précises, ces représentations de fragments anatomiques (jambes, paires d’yeux, têtes d’hommes, de femmes ou d’enfants, sexes masculins et féminins) matérialiseraient tout au contraire la supplique ou le remerciement adressé au fleuve-guérisseur.
Et que traduisent ces ravissantes statuettes en alliage cuivreux représentant les dieux romains Apollon et Mercure, si ce n’est l’expression du « rapprochement entre les panthéons respectifs des vainqueurs et des vaincus » ? Liées au culte familial et ornant l’autel domestique, ces œuvres miniatures n’en reproduisent pas moins, sur un mode mineur, les plus beaux modèles de la sculpture antique.
Un fascinant bric-à-brac
Loin de se tarir, cette relation intime et charnelle entre les populations et la Seine se poursuit aux époques médiévale et moderne. En témoignent ces milliers d’enseignes ou de médailles en métal que les pèlerins ou les voyageurs jetaient en dépôt dans le lit du fleuve pour l’accomplissement d’un vœu. Collectés au milieu du XIXe siècle par l’antiquaire Arthur Forgeais, ces mini ex-voto coulés dans le plomb — figurines de soldats filiformes, jouets miniatures, encriers ou reliquaires portatifs — allaient bientôt fasciner les collectionneurs et les artistes, d’André Breton à Alberto Giacometti. Ne leur prêteront-ils pas, eux aussi, des pouvoirs magico-religieux ?
Moins poétiques, mais tout aussi incongrus, des monceaux d’armes dorment depuis l’âge du Bronze dans le lit de la Seine. Si les plus anciennes d’entre elles traduisent, là encore, des intentions rituelles, les plus récentes ont souvent été dissimulées ou abandonnées à la hâte. En 2022, ce sont ainsi 154 obus de 1939-1945 qui ont été récupérés au niveau du Pont d’Austerlitz par la brigade fluviale et les démineurs du laboratoire central de la Préfecture de Police. Une autre forme d’archéologie de sauvetage en quelque sorte…
« Dans la Seine. Objets trouvés de la Préhistoire à nos jours »
Crypte archéologique de l’île de la Cité, Parvis Notre-Dame, 7 Place Jean-Paul II, 75004 Paris
à partir du 31 janvier 2024
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