« Il y a bien longtemps que j’ai compris que les lustres ne servaient pas à éclairer. » Derrière cette apparente boutade, Régis Mathieu, fondateur et dirigeant de Mathieu Lustrerie, révèle la raison d’être des lustres d’hier et d’aujourd’hui : l’émerveillement. Sous Louis XIV, on les installait, avec leurs pampilles de quartz et d’améthystes taillés, pour un moment de contemplation. La lumière dansante de coûteuses bougies de cire d’abeille se reflétait dans les cristaux comme sur les bronzes dorés des décors du Grand Siècle. Dans les églises du Moyen Âge, ils devenaient symboles, quand les bras de lumière illuminaient une représentation de la Vierge Marie en bronze doré, placée à leur sommet. « Nous, lustriers, sommes des gens d’émotion », ajoute l’artisan.
L’atelier rêvé
Il a poursuivi le rêve de son père, Henri Mathieu, qui fonde en 1948 à Marseille son entreprise de fabrication de luminaires contemporains en acier, lesquels s’imposent aujourd’hui chez les amateurs de design. Aux meilleurs jours, l’atelier emploie jusqu’à cent cinquante artisans. Mais à partir de la disparition de son fondateur, en 1982, l’entreprise périclite. En 1990, Régis Mathieu, fils cadet d’Henri Mathieu, la rachète. Celui qui a grandi dans l’atelier, écumé les antiquaires avec son père passionné de lustres anciens, croit en l’avenir de ces fabuleux luminaires.
Lustrier, un mot oublié
Il commence alors à collectionner les lustres anciens de tous styles, à acheter tous les ouvrages publiés dans le monde sur l’histoire des luminaires. Cette culture, rare, lui valut de se voir confier des chantiers de restauration patrimoniaux comme les lustres de la galerie des Glaces à Versailles ou les luminaires du foyer de l’Opéra Garnier. Régis Mathieu a remis au goût du jour l’appellation de « lustrier », qu’on avait cessé d’utiliser depuis que les lustres à l’ancienne étaient tombés en désuétude.
Aujourd’hui, l’entreprise est installée à Gargas, dans le Vaucluse, dans un immense atelier et espace de présentation de 5000 mètres carrés, ouvert au public. On y vend les créations contemporaines de Régis Mathieu, des lustres anciens, on restaure des luminaires de monuments historiques, on y fabrique des lustres de tous les styles historiques… « Si l’on additionne l’ensemble de nos compagnons dans le monde ainsi que les sous-traitants qui travaillent directement pour nous et pratiquent nos différents métiers, de la création à la restauration, nous sommes au total une centaine au service de nos chantiers. Actuellement, seul Mathieu Lustrerie regroupe tous ces savoir-faire », explique le chef d’entreprise.
Des lustres monumentaux
À Gargas, la trentaine d’artisans, hommes et femmes, se répartit sur divers postes. Ciselure, dorure, assemblage des cristaux sont autant de savoir-faire qui rappellent ceux de l’orfèvrerie. Les treize lustres en bronze de Notre-Dame sont arrivés à l’atelier pendant l’été 2023, tout comme des lampes de sanctuaires, bras de lumière, candélabres et une couronne lumineuse de l’édifice incendié. Ils sont monumentaux, à l’image de la cathédrale : 2,5 mètres de haut et presque 300 kilos chacun.
On peut les comparer à de grands puzzles en trois dimensions, composés de plus de cent éléments que l’on doit démonter, restaurer, puis remonter. Ils ont été dessinés par Eugène Viollet-le-Duc dans un style néogothique naturaliste qui préfigure l’Art nouveau. Régis Mathieu attendait avec anxiété de découvrir leur état. « Ils auraient pu se transformer en strates de bronze fondu. Ils m’ont semblé émerger d’un tremblement de terre. Un lustre était tombé, un autre avait subi l’écroulement de la flèche. Mais, heureuse surprise, ils étaient surtout très sales. »
Le principal problème à résoudre pour l’atelier fut de mettre en place, avant même la réception des luminaires, un processus de restauration compatible avec l’abondante poussière de plomb dont ils étaient recouverts. Au cours des trois mois de travail nécessaires à l’opération, un autre défi de taille s’est présenté : remettre en forme le plus abîmé. « Il ressemblait à une compression de César. Je n’étais pas sûr de pouvoir le sauver », se souvient Régis Mathieu.
Le défi de la patine
Mais le luminaire a repris sa forme, chauffé au chalumeau, ses branches de bronze remplies de sable pour éviter les pliures. Ainsi, on a pu le remonter avec 80 % de ses pièces d’origine. Les savoir-faire liés au métal sont fondamentaux en lustrerie. C’est l’amour de ce matériau qui a conduit ses artisans, passés par des écoles d’arts appliqués, dans l’atelier de Gargas.
David Rondel, vingt-quatre ans de maison, a étudié la gravure sur métal, en particulier l’héraldique, à l’école Boulle, avant de devenir lustrier spécialisé en galvanoplastie et patine. La galvanoplastie est une technique d’orfèvrerie inventée au XIXe siècle qui permet de recouvrir de métaux précieux des objets, par électrolyse. La patine est l’art des finitions, la dernière touche qui donne au luminaire son aspect définitif.
« Ce que j’aime particulièrement, c’est trouver la patine adaptée au lustre selon son style. Mais il faut aussi faire entrer le facteur temps dans sa restauration, tenir compte du temps passé sur lui depuis sa création », détaille-t-il. « Un lustre ancien ne peut pas être clinquant ! » Les lustres de Notre-Dame ont révélé une surprise. On les pensait dorés, ils étaient simplement vernis. Un vernis végétal, transparent et teinté, conférait à leur bronze leur aspect jaune et brillant. Une des quatre appliques de la salle capitulaire de la sacristie, très bien conservées et épargnées par les flammes, a permis à David Rondel de retrouver l’aspect exact du vernis posé au temps de Viollet-le-Duc.
Il lui fallut pour cela mener des centaines d’essais de couleurs pour trouver le bon jaune à ajouter au vernis neuf. Il a dû associer deux teintes parmi des centaines de nuances disponibles. Il a aussi patiemment observé les résultats obtenus sur les lustres accrochés à 9 mètres de hauteur, comme à Notre-Dame, sous divers éclairages, naturels et artificiels. « Quand les lustres seront installés dans la nef de la cathédrale, avec les pierres ayant retrouvé leur blondeur, tout paraîtra aussi resplendissant qu’après le chantier de restauration de Viollet-le-Duc au XIXe siècle. »
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