Est-ce seulement le temps ? Il flotte un air de printemps sur ce chantier qui s’est transformé en village ouvert à tous. La renaissance de la cathédrale est bien engagée, et ses acteurs y accueillent curieux, passionnés, fidèles et touristes. Ateliers et démonstrations permettent d’échanger avec les différents corps de métier qui témoignent de l’aventure d’un chantier hors norme. L’événement, dédié à la mémoire du général Georgelin, disparu le 18 août dernier, s’inscrit dans la 40e édition des Journées européennes du patrimoine.
Qu’a donc ce chantier de particulier ? « Tout est plus grand », confie Briac Thomas, ingénieur travaux chez Lefèvre, pour la maçonnerie, qui trouve « hyper valorisant d’apporter, c’est le cas de le dire, notre pierre à l’édifice, sur un chantier aussi prestigieux ». Tout y est particulièrement « phasé », les entreprises se sont adaptées à sa complexité.
Aurélien Duclos, qui travaille pour Cruard au sein du groupement chargé de la charpente de la flèche et des transepts, n’avait jamais œuvré avec des « grosses sections », dans de telles dimensions. Pour ce défi « très technique », il a fallu ressortir les anciens outils, chercher comment avait procédé Viollet-le-Duc, deviner, s’adapter. Ils ont retrouvé les savoir-faire traditionnels comme le piquage au plomb, qui sert à déterminer les plans de coupe permettant d’assembler des bois irréguliers. Aurélien espère « aller poser les dernières pièces de bois, là-haut ». À ses côtés, Sébastien Girardeau acquiesce. « C’est une fois dans une vie », lance le charpentier venu de Guyane, qui « lève » la flèche de 57 mètres de haut.
Philippe Giraud est tailleur de pierre. Sa présence sur ce chantier de restauration n’est pas le fruit du hasard. Diplômé de l’école Saint-Lambert (Paris), labellisée « Monuments historiques », ce quinquagénaire à la barbe grisonnante a travaillé, entre autres, pour les cathédrales de Reims, Rouen, Strasbourg, ainsi que pour le Louvre et le Panthéon. Installé dans le Perche, choisi pour ses nombreux manoirs à restaurer et sa proximité avec Paris, il n’a pas hésité un instant lorsque l’atelier Vermorel, après avoir remporté l’appel d’offres lancé par l’établissement public chargé de la restauration de la cathédrale, l’a appelé en renfort. Il faut dire que Notre-Dame tient une place à part dans son cœur d’artisan. « J’aime son style gothique et son unité architecturale. J’ai toujours été fasciné par le dynamisme culturel et la synergie qui régnaient à l’époque médiévale sur son chantier de construction : artisans, chercheurs, philosophes et membres du clergé travaillaient main dans la main », énumère-t-il. Philippe Giraud a reçu pour mission de restaurer à l’identique les ornements extérieurs du transept nord, gravement endommagé par les flammes et la chute de la flèche. Sur des blocs de pierres neuves, seulement 5 % d’entre elles ayant été jugées réutilisables, il sculpte des éléments végétaux, fleurs et feuillages, armé de ses ciseaux à pierre, gradines et rifloirs. « C’est une chance que le comité ait privilégié le travail à la main alors qu’un robot peut désormais réaliser des sculptures en 3D, souligne l’artisan. En Italie, les sculpteurs sont en voie de disparition à cause de cela. En France ça commence aussi, mais on a encore le souci de protéger le patrimoine des savoir-faire. » Un thème dont le sculpteur a fait son cheval de bataille.
7 000 personnes ont pu voir la charpente de Notre-Dame
« C’est l’essence même du métier », abonde Jean-Louis Bidet, des Ateliers Perrault, pendant que ses gars démontrent leurs talents d’équarrissage à la hache médiévale. « Y donner du sens, c’est aussi s’inscrire dans une histoire. » Ressuscitant lui aussi des techniques d’assemblage traditionnelles enfouies, il coordonne la charpente pour sa partie médiévale, « de la forêt à la forêt » (surnom de la charpente de la nef). Les connaissances retrouvées seront transmises et utilisées pour d’autres chantiers.
Après un CAP et un passage chez les Compagnons, Julien, 35 ans, couvreur chez Le Bras Frères, goûte le bonheur de joindre à l’amour de son métier sa passion de l’histoire. Se sentir traversé par les siècles, c’est vertigineux. Il a appris à travailler le plomb pour « le plus beau chantier, le plus connu dans le monde », lâche-t-il, reprenant sans le savoir les mots de Briac.Le chantier est aussi une école unique : « Humainement, on fait de belles rencontres, mais on partage aussi des savoir-faire, c’est un véritable chantier de perfectionnement », se réjouit Aurélien. Julien souligne qu’on ne côtoie pas autant de corps de métiers d’habitude, et pas aussi divers.
Philippe Giraud a été exaucé : lorsque la cathédrale de Paris a été ravagée par les flammes, il y avait vu l’opportunité de promouvoir les vertus du travail manuel en lançant, dans un livret intitulé « Le chant de la reine », l’idée d’un chantier-école ouvert à tous. L’ouverture du chantier ce week-end est saluée par le tailleur de pierres qui n’a pas renoncé à son rêve. « Je plaide pour qu’après la réouverture de Notre-Dame, on installe sur place des ateliers-écoles qui puissent œuvrer à la préservation de ce patrimoine historique qu’est le geste. Ce qui importe n’est pas le résultat du travail, mais le travail en lui-même. On laisse les machines nous envahir alors que le travail à la main a un intérêt éducatif et qu’il donne un sens à la vie. Au cœur d’un chantier se transmettent toutes ces valeurs humaines que sont l’humilité, la solidarité, la transmission, la générosité. Notre-Dame, avec son rayonnement international, est le lieu idéal pour mener ce combat. »
Et l’émotion ? « Il y a un match à jouer et gagner, avant de s’émouvoir, tempère Jean-Louis Bidet, un travail de haute qualité à fournir, des délais à tenir. » Mais elle le rattrape, comme le week-end dernier, où il a encore mesuré à quel point « Notre-Dame appartient à tous » : les portes ouvertes des Ateliers Perrault ont accueilli 7 000 personnes, venues voir la charpente de Notre-Dame montée « à blanc », « visible comme elle ne le sera plus jamais ».
S’ils restent concentrés sur leur métier, tous les artisans rencontrés le disent avec leurs mots : Notre-Dame restera un marqueur dans leur vie professionnelle, et parfois au-delà. Quand ils s’imaginent pouvoir dire « j’y étais », dans leurs yeux l’étincelle de fierté ne ment pas.
Le Village du chantier de la cathédrale est ouvert dimanche 17 septembre, de 10 à 18 heures. Parvis Notre-Dame/Place Jean-Paul II 75004 Paris. Accès libre et gratuit, sans réservation.
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