L’incendie de la cathédrale le 15 avril 2019 détruit la charpente en bois. Sa flèche s’écroule, ainsi qu’une partie des voûtes. 2e partie du récit d’une résurrection qui doit beaucoup au savoir-faire des artisans.
Suite et fin de notre premier article « Notre-Dame, la renaissance d’une icône ». Nous vous présenterons également jeudi un reportage photo-vidéo sur le levage manuel d’une ferme de charpente.
Maçonnerie et taille de pierre, entre tradition et modernité
Les pierres et maçonneries, tombées ou non, ont subi la chaleur puis l’eau et ne peuvent être réemployées. Les plus fragilisées ont été évacuées, les autres sont consolidées.
L’intérieur en cours de déblaiement © Etablissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris.
Des carrières de l’Oise et de l’Aisne, sélectionnées par le BRGM et les géologues du laboratoire de recherche des monuments historiques, fournissent des pierres compatibles avec celles des murs de la cathédrale. 1.300 m³ de calcaire du Lutécien sont nécessaires pour reconstruire les voûtes et les baies hautes effondrées dans la croisée du transept, le transept nord et dans une partie de la nef.
Début de reconstitution de l’arc doubleau de la nef. ©EJH
Tandis que les carriers taillaient des blocs, des maçons-tailleurs de pierre préparaient le chantier : nettoyage et assainissement des parties conservées (41.000 m²) avec des techniques contemporaines, dont certaines ont même été mises au point spécifiquement pour ce chantier.
A titre d’exemple, les Ateliers H. Chevalier (experts dans la taille de pierre et la maçonnerie du patrimoine) ont décontaminé l’intérieur par la pose de cataplasmes à base de sable, de kaolin et d’eau déminéralisée pour absorber les sels cristallisés.
Du latex a également été projeté sur les parements, puis pelé afin de retirer les impuretés.
La composition des mortiers utilisés aux différentes époques est étudiée par carottages et analyses sur les échantillons. Recréer ces mélanges mais aussi retrouver le sens de pose de la pierre, les techniques de façonnage et d’assemblage et les techniques de restauration, sont autant de techniques maîtrisées par les maçons-tailleurs de pierre spécialisés Monuments historiques qui ont remporté les appels d’offres.
Endommagés par les flammes, les murs-bahuts, qui supportent directement le poids de la charpente en bois, ont été restaurés dès novembre 2022, au niveau de la croisée du transept. La restauration des murs-bahuts s’est ensuite étendue à la nef et au choeur.
Les pignons situés à chaque extrémité du transept, trop endommagés par l’incendie, ont été entièrement démontés pour être reconstruits à neuf.
Le pignon sud est traité par Monument Lanfry (Seine-Maritime), tandis que le pignon nord, le plus endommagé, est l’affaire de Dubocq SAS (Essonne), mandataire du groupement formé par les deux entreprises.
La voûte du transept nord a été refermée, en novembre dernier. A l’aide de cintres placés sous les arcs, les maçons tailleurs de pierre ont repositionné les claveaux, des blocs de
pierre taillés en biseau, constituant l’arc et joints par du mortier.
En février, ils ont remonté les arcs diagonaux et l’oculus de la voûte de la croisée du transept, afin de permettre aux travaux de reconstruction de la flèche de se poursuivre, par la pose des bois du tabouret (socle de la flèche).
La reconstruction des voûtes de la nef et du choeur sera quant à elle achevée d’ici la fin de l’année 2023 : sur la voûte du choeur, les joints et la patine d’harmonisation ont été achevés.
En parallèle, les pignons nord et sud des deux bras du transept, ces murs triangulaires qui donnent leur forme à la charpente et qui avaient été fragilisés par l’incendie, ont été reconstruits avec des pierres neuves à partir de mars.
©Romaric Toussaint- Etablissement public Rebâtir Notre-Dame
Une halle de sculpture a été installée à l’automne 2022 sur le parvis de la cathédrale, pour consolider les sculptures anciennes et sculpter les éléments neufs jusqu’à début 2024. Les sculpteurs sont ainsi au plus près des modèles pour reproduire chimères, gargouilles et les éléments décoratifs disparus ou trop fragiles qui doivent être copiés (colonettes, feuillages, frises, etc.).
L’Atelier Bouvier (Gard), mandataire du groupement pour la création des sculptures neuves des pignons nord et sud, particulièrement endommagées par l’incendie, et l’entreprise Vermorel (Aveyron) œuvrent à la fois dans la halle de sculpture, en atelier, et sur le pignon sud directement.
Le bloc “capable”, parallélépipède sur lequel sont portées les cotes nécessaires à la taille, est obtenu par sciage mécanique. L’épannelage est manuel : cette taille à facettes préparatoire élimine la pierre excédentaire pour se rapprocher de la forme définitive. Elle précède la sculpture des creux et bosses du bloc fini. L’aspect des pierres neuves reprend celui des pierres existantes.©EJH
Les sculpteurs reproduisent les décors uniques qui parsemaient les pignons, les tours ou les murs gouttereaux. In situ ou au pied de la cathédrale, dans la halle de sculpture. © David Bordes / Etablissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris.
Tollis (Val-de-Marne) restaure des sculptures extérieures et réalise des sculptures neuves – dont les quatre têtes d’ange ornant l’oculus de la voûte de la croisée du transept.
Ange polychrome retiré des décombres. ©EJH
Les quatre têtes d’anges qui ornent l’oculus ont été sculptées dans la loge de sculpture et grutées pour être positionnés. © Etablissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris.
La couverture de plomb, posée au fur et à mesure
La couverture a intégralement fondu dans l’incendie. Ce sont 4.000 m² de tables de plomb qu’il s’agit de fabriquer à l’identique, en plomb coulé sur sable (à la fois très résistant, étanche et malléable) et poser au fil de la reconstruction. Les crêtes de faitage, bandeaux décoratifs et ornements de la flèche sont ensuite ajoutés.
Le groupement d’entreprises Le Bras Frères (Meurthe-et-Moselle – mandataire), Le Ny (Rhône), Balas (Hauts-de-Seine) et UTB (Seine-Saint-Denis) est chargé des couvertures et ornements de la flèche et des transepts.
Le groupement UTB (Seine-Saint-Denis – mandataire), Balas (Hauts-de-Seine), Bourgeois (Ain) et Coanus (Marne) réalise les couvertures du chœur.
Vestige d’ornement en plomb. © EJH
Des secrets mis au jour
L’incendie aura été l’occasion d’étudier de près les modes constructifs ayant concouru à la construction de la cathédrale.
Ont notamment été découvertes des agrafes de fer d’une cinquantaine de cm de long, datant du Moyen-Age, qui ceinturent la voûte. Scellées au plomb, elles renforcent la maçonnerie et ont permis d’alléger la voûte, qui n’excède pas 15 cm d’épaisseur à son sommet (contre 30 cm dans les cathédrales de la même période).
Cette innovation a permis de gagner en hauteur par rapport aux architectures de la même époque (33 m pour le chœur, contre 27 m pour la cathédrale de Noyon, par exemple, l’un des premiers jalons de l’architecture gothique construit à partir de 1145).
Composées de plusieurs alliages, ces agrafes nous apprennent que le recyclage était une pratique établie au 12ème siècle, et pas pour des économies de matière, sur un chantier prestigieux comme celui de la cathédrale de Paris !
L’étude “à la loupe” de Notre-Dame-de-Paris livrera encore bien des secrets.
A n’en pas douter, le chantier de Notre-Dame-de-Paris suscitera des vocations parmi les jeunes générations, dans les nombreux domaines professionnels qui sont à son chevet.
“Notre-Dame-de-Paris, l’art de la charpente” : des jeunes sur le pont
La grande maquette des charpentes. © EJH
Ces maquettes, qui ont notamment été exposées au dernier salon du Mondial du bâtiment, sont le travail de jeunes fiers de participer à la perpétuation des savoir-faire des anciens bâtisseurs.
15 élèves des Compagnons charpentiers du Devoir et 13 élèves architectes du patrimoine de l’Ecole de Chaillot ont rendu hommage au génie des architectes et charpentiers ayant édifié, restauré et transformé les charpentes de Notre-Dame au cours de siècles.
Des reproductions des différents ouvrages constituant les charpentes du 13ème siècle (nef et chœur), et celles du 19ème siècle (transept, chœur, flèche et beffrois) ont été étudiées, dessinées, façonnées et assemblées (20.000 heures de travail bénévole et 10.000 heures de travail salarié).
Détail d’un assemblage pied de poinçon d’une ferme. © EJH
Source : batirama.com / Emmanuelle Jeanson / Crédit photo EJH : Photos réalisées dans l’exposition « Notre-Dame de Paris, des bâtisseurs aux restaurateurs », à la Cité de l’architecture et du patrimoine (Paris 16ème). Photos de l’encadré : exposition “Notre-Dame-de-Paris, l’art de la charpente”.
Note de l’auteur : Le titre de l’article a été emprunté à l’intitulé de la dernière expo en date sur le chantier de Notre-Dame : 21 photos monumentales et 3 planches de dessins exclusifs exposés sur le parvis de la cathédrale, dans le cadre d’un partenariat entre National Geographic et l’établissement public.
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