Imaginée par Viollet-le-Duc et son maître charpentier Bellu, la flèche de Notre-Dame est un chef-d’oeuvre de charpente à la géométrie particulièrement complexe. Elle est le fruit de la parfaite maîtrise de l’art du trait de charpenterie, soit « la tradition du tracé dans la charpente française », inscrit par l’Unesco depuis 2009 sur sa liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Décryptage de sa structure exceptionnelle, avec les architectes, charpentiers, échafaudeurs…, qui ont œuvré pendant 8 mois pour la reconstruite à l’identique.
Le tabouret de la flèche, un socle essentiel
Vue de l’extérieur, avec sa couverture en plomb, la flèche semble être faite d’un seul tenant, du grand comble jusqu’au coq qui la surmonte. On peut en réalité y distinguer six grands ensembles – le tabouret, la souche, le fût, deux étages ajourés et l’aiguille – aux typologies différentes. La flèche fait la jonction entre la nef, le chœur et les deux bras du transept. « La flèche est un ouvrage dont l’apparence très régulière donne une impression de symétrie parfaite bien qu’elle soit implantée à la croisée du transept, sur une base de quadrilatère irrégulier », s’émerveille Mathilde Hannin, ingénieure-architecte au sein de l’équipe de la maîtrise d’œuvre.
Le premier grand ensemble est le tabouret. Véritable socle, il prend appui sur les quatre piliers de la croisée du transept et monte jusqu’aux arases des murs. « C’est l’une des grandes particularités de la flèche de Notre-Dame. Les flèches de charpente étaient souvent conçues comme un empilement d’étages successifs. Ici, la flèche, grâce à son tabouret, vient s’ancrer profondément dans le bâti ce qui lui donne une excellente assise et une meilleure résistance au vent », précise Rémi Fromont. Sa pose s’est achevée le 15 avril 2023, quatre ans jour pour jour après l’incendie.
Un assemblage complexe
Sur ce tabouret vient s’appuyer la souche, de forme pyramidale, qui monte jusqu’au faîtage du grand comble. « La souche est un énorme nœud de bois où se croisent les fermes diagonales, le poinçon, les faîtages pans de bois, le fût et les fermes périphériques », détaille Mathias Gauthier-Morfoise, gâcheur en second chez Cruard Charpente (Mayenne), une des quatre entreprises – avec Le Bras Frères, mandataire (Meurthe-et-Moselle), Asselin (Deux-Sèvres) et MdB Métiers du bois (Calvados) – du groupement attributaire des travaux de reconstruction de la charpente de la flèche et des deux bras du transept. « Le niveau haut de la souche, à la moitié du fût, comporte un assemblage particulièrement complexe. À cet endroit se rejoignent vingt-quatre pièces de bois », précise Priscilla Lafitte, cheffe de projets à l’établissement public.
Le poinçon constitue la véritable colonne vertébrale de la flèche, de 52 mètres de haut, composé de quatre pièces de plus de 13 mètres de long chacune. Il prend sa base dans le tabouret et monte jusqu’au faîte de l’aiguille. Dans la partie centrale de la souche émerge le fût octogonal. Huit poteaux arêtiers, qui reposent directement sur le tabouret, prennent place à chacun de ses angles et des croix de Saint-André viennent assurer le contreventement dans sa partie haute. Car le fût est la première partie de la flèche visible depuis l’extérieur, et donc la première partie soumise au vent. Il présente des baies quadrilobées sur chacun de ses côtés.
Une construction sur deux étages
Deux étages ajourés dits à claire-voie s’ajoutent ensuite. Le premier étage est composé de huit baies séparées par des colonnettes, le second, séparé du premier par une corniche ornée de seize gargouilles, est constitué lui aussi de huit baies, également séparées par des colonnettes. Les étages sont tous deux cernés de garde-corps. Chacun de ses étages comporte une ossature principale, porteuse, et une structure secondaire qui accueille les décors. Et au fur et à mesure que la charpente monte, l’espace se réduit, jusqu’à la pointe de l’aiguille qui culmine à 96 mètres. « L’aiguille se resserre à mesure qu’elle monte sur ses 25 mètres de haut, laissant de moins en moins d’espaces entre les bois. Les quelque 150 pièces qui la composent viennent s’entrecroiser et l’on doit réaliser de nombreuses entailles pour qu’elles ne se percutent pas et que les bois restent bien filants », explique Mathias Gauthier-Morfoise.
La stabilité de la flèche est également assurée par des enrayures, un ensemble de pièces de charpente placées sur un plan horizontal et qui rayonnent autour du poinçon. La flèche en compte onze, dont le diamètre diminue au fur et à mesure qu’on s’approche de la pointe de l’aiguille. « Même si nous savions que la flèche était un ouvrage très complexe en termes d’assemblages, son montage a confirmé à quel point elle est un chef-d’œuvre de charpenterie. Nous avions besoin des meilleurs charpentiers. Les entreprises choisies ont su proposer un niveau technique identique à celui de l’époque de Viollet-le-Duc et de Bellu. Elles en sont les dignes héritières », estime Rémi Fromont.
Un enchaînement subtile des tâches
Pour lever et poser la charpente de la flèche, un phasage d’étapes faisant intervenir principalement échafaudeurs et charpentiers dans un enchaînement savamment calculé a été mis en place. Après la pose du tabouret en avril 2023, une phase d’échafaudage de trois semaines a été prévue. « Une fois l’échafaudage de la flèche sorti à hauteur des murs-gouttereaux, soit à environ 32 mètres, nous avons élargi celui-ci pour lui assurer une plus grande stabilité, ramener les charges dues au vent sur l’échafaudage de la croisée et lui donner une plus grande résistance, explique Didier Cuiset, directeur d’Europe Échafaudage. En tout, ce sont 250 tonnes d’échafaudages qui ont été montées depuis le sol de la croisée jusqu’à l’implantation des murs-gouttereaux. »
Pendant ce temps, les charpentiers s’affairent dans les ateliers à Briey (Lorraine), où la taille se poursuit et où chaque grand ensemble de la flèche est monté à blanc. « C’est une répétition générale totalement indispensable et qui rassure les équipes car elles auront déjà manipulé les pièces et sauront donc sur quels assemblages il peut y avoir des difficultés et sur lesquels il faudra être particulièrement vigilant », précise Aurélien Lefèvre, directeur général de Cruard Charpente. La première phase d’échafaudage s’est achevée fin juin, dix mètres au-dessus des futures charpentes de la souche. Les échafaudages, tout comme le tabouret, ont été en grande partie préassemblés au sol, sur les plateformes de montage installées à cet effet au chevet de la cathédrale, avant d’être grutés.
« Au début, pour le tabouret et une partie de la souche, nous étions dans une cinématique de bloc. Les échafaudeurs travaillaient plusieurs semaines puis les charpentiers prenaient le relais pour poser et assembler de grands ensembles. Puis nous sommes passés à une cinématique de détail, où les enchaînements entre échafaudeurs et charpentiers se sont faits extrêmement vite, de façon très fine », raconte Sébastien Faure, directeur des opérations de l’établissement public. À partir du fût il était en effet impossible de gruter des ensembles, l’assemblage s’est donc fait pièce à pièce avec une alternance échafaudeurs / charpentiers sur une même journée, comme le confirme Aurélien Lefèvre : « Pour des raisons de sécurité évidente, nous ne pouvions pas travailler en même temps que les échafaudeurs. Nous avons donc travaillé en horaires décalés. Les échafaudeurs montaient le matin, nous, l’après-midi, et nous recommencions le lendemain. Comme nous étions sur du pièce à pièce, il fallait que les échafaudages ne nous gênent pas mais, au contraire, qu’ils accompagnent notre progression. »
La sécurité avant tout
Pour parfaire la sécurité, des planchers intermédiaires sont installés partout où les charpentiers en ont besoin. Chaque matin, échafaudeurs et charpentiers se retrouvent autour de l’adéquation des moyens de levage pour échanger sur le planning de la journée et les besoins en termes de grutage et d’échafaudages. Et pour ne pas encombrer les espaces de stockage, les charpentiers acheminent au fur à mesure, d’une semaine sur l’autre, les pièces de bois utiles à l’élévation de la flèche.
À la mi-octobre, il a cependant fallu faire une pause. La grue à tour de 80 mètres, en place sur le chantier depuis 2020, a dû être raccourcie. Son bras est désormais moins long pour éviter de heurter la flèche, qui poursuit son ascension. Et, à un certain moment de la progression de la flèche de la cathédrale, la flèche de la grue – sa partie horizontale – n’était plus assez haute pour passer au-dessus. Le grutage des parties les plus hautes de la flèche a alors été effectué par une grue mobile, installée au nord de la cathédrale. C’est grâce à elle que l’échafaudage a pu atteindre les 100 mètres de hauteur, juste au-dessus de la pointe de l’aiguille, et que les derniers bois ont été grutés. Cet enchaînement de tâches et ce planning très serré ont permis de terminer le montage de la flèche fin novembre et de réinstaller symboliquement la croix, le coq et la couronne en décembre, un an avant la réouverture de la cathédrale.
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