La cathédrale impressionne par sa taille et sa façade imposante ne laisse personne indifférent. Au travers des siècles, Notre-Dame inspire de nombreux artistes : peintres, écrivains, musiciens, metteurs en scène… Entretien avec Haywon Forgione, conférencière et historienne de l’art.
Publié le : 06/12/2024 – 11:01
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RFI : Pourquoi Notre-Dame de Paris inspire tant les artistes ?
Haywon Forgione : D’une part, c’est un monument emblématique qui fait partie des plus anciens de la ville, à partir du XIIe siècle quand on a commencé à édifier la cathédrale. C’est le cœur de Paris sur l’île de la Cité et si on regarde l’histoire générale de la ville, c’est effectivement le plus ancien monument de grande taille. C’est aussi l’édifice le plus imposant, le plus ancien et le plus emblématique du monde chrétien. Symboliquement, c’est un lieu hautement important, mais également du point de vue artistique et historique, car c’est un ouvrage de l’art gothique qui prend place au cœur de Paris. Ce n’est pas simplement son architecture ou sa fonction, mais c’est tout un ensemble que représente Notre-Dame de Paris.
À quelle époque, Notre-Dame commence à être présente dans les œuvres artistiques ?
Probablement, les premiers témoignages de l’édifice apparaissent dans les enluminures, les ouvrages religieux, dans les manuscrits réalisés par les moines et qui font référence à la première flèche qui a disparu. Le manuscrit de Jean Fouquet est une référence ainsi que l’enluminure du XVe siècle « La Main de Dieu protégeant les fidèles » ou encore « La Descente du Saint-Esprit » où on peut percevoir Notre-Dame dans le paysage. Donc, au Moyen Âge, ce sont essentiellement les enluminures et les écrits.
À partir de quand apparaissent les tableaux représentant la cathédrale ?
C’est à partir de la Renaissance que nous voyons les tableaux représenter la cathédrale. De plus en plus dans des représentations de Paris, en toile de fond, nous pouvons apercevoir Notre-Dame qui est le monument le plus représentatif : d’une part d’autres monuments parisiens sont postérieurs à la Renaissance et d’autre part le château du Louvre n’existait plus, car il a été rasé jusqu’aux fondations à l’époque de François Ier. Finalement, il y a très peu de monuments aussi imposants et aussi anciens que Notre-Dame.
Les événements marquants de l’histoire de France et de Paris sont-ils aussi l’occasion de mettre Notre-Dame dans la composition ?
J’aime citer l’œuvre de Delacroix, La liberté guidant le peuple, qui vient d’être restaurée et qui a retrouvé sa place au Louvre. Cette œuvre emblématique représentant la liberté au travers de cette femme qui porte le drapeau tricolore et entourée des représentants du peuple français dans sa diversité, des classes sociales, d’âge, etc. On voit au fond la référence de l’événement historique qui a eu lieu à Paris : les tours de Notre-Dame. Cette représentation de la cathédrale reste assez timide sur le tableau, de prime abord, on ne la voit pas forcément, mais une fois remarquée, on ne voit que la cathédrale finalement.
D’autre part, il y a de nombreux tableaux à partir du XIXe siècle pour lesquels Notre-Dame est le cœur de la composition des artistes. Qu’il s’agisse des gravures ou des peintures, chez tous les artistes du XIXe, impressionnistes et post-impressionnistes, c’est le sujet principal. Il est intéressant de voir que même les artistes étrangers qui viennent à Paris, comme le peintre néerlandais Johan Barthold Jongkind, utilisent justement Notre-Dame pour représenter Paris. Ils sont totalement fascinés par la cathédrale. On se rend compte que c’est un monument qui attire beaucoup de monde. Parmi les artistes français, Paul Signac, de Lusse, Utrillo ou encore Matisse, expriment leur style en étudiant les différentes formes de l’aspect architectural de la cathédrale.
À part Victor Hugo, quels écrivains ont également mis Notre-Dame au cœur de leurs ouvrages ?
Premièrement, le rôle de Victor Hugo est extrêmement important. À la suite de son roman, il a monté une pétition pour solliciter toutes les personnes importantes de la société de l’époque, du monde politique ou culturel, pour qu’il y ait une prise de conscience générale de l’état de délabrement de Notre-Dame. Il a collecté énormément de signatures et c’est précisément grâce à cette impulsion donnée par Victor Hugo que la grande restauration a eu lieu. En plus, dans son roman, Notre-Dame est véritablement un personnage. Par ailleurs, nous pouvons citer Rabelais, au XVIe siècle, qui a aussi décrit une scène dans Gargantua, quand le géant arrive à Paris et malmène un peu les Parisiens qui n’en veulent pas et le poursuivent jusqu’à ce qu’il se réfugie sur le toit de Notre-Dame. On peut, au fil du temps, se rendre compte aussi de l’évolution du bâtiment et de son aspect.
Quelles disciplines artistiques peut-on citer encore ?
L’œuvre de Victor Hugo a effectivement inspiré cette comédie musicale du même nom qui est connue dans le monde entier ainsi que de nombreuses pièces de théâtre. Il y a cette fascination de l’opprimé, cette image de Quasimodo extrêmement émouvante et touchante. C’est une histoire universelle.
Je pense qu’il y a quelques créations emblématiques qui ont touché le large public, en dehors de la littérature et de la peinture, c’est le cinéma. Il y a ce film très connu avec Anthony Queen dans le rôle de Quasimodo et qui a ensuite servi de base pour la création de nombreuses comédies musicales. Il y a une émulation mutuelle avec une porosité entre toutes les disciplines artistiques et d’une grande réussite, des chefs-d’œuvre absolus et réalisés par les plus grands metteurs en scène. C’était un concours de circonstances qui a fait révéler encore plus Notre-Dame par le biais de ces auteurs. Je ne saurais pas dire pourquoi cet engouement pour Notre-Dame, mais les bonnes personnes se sont intéressées au sujet et dans tous les domaines artistiques.
L’édifice en pierre est quelque chose qui suscite en chacun de nous cette pérennité, cette stabilité et cette monumentalité qui nous rassurent. La cathédrale a aussi ce rôle de protéger et de veiller sur les Parisiens. L’édifice est consacré à la Vierge Marie et dans le monde chrétien, elle a le rôle de protéger l’église et par conséquent de protéger la ville. Et ce n’est pas pareil avec la tour Eiffel : elle est le symbole de l’exploit, de la technique ou de l’esthétique et elle représente moins cet aspect rassurant.
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