Il entre toutefois en apprentissage à 15 ans dans l’atelier de joaillerie-bijouterie de son beau-frère Hugues Calmette, qui travaille, rue Montmartre, cuivre et bronze pour une clientèle parisienne aisée. Son talent pour le métier comme pour les affaires permet à Charles Christofle de devenir patron de l’entreprise dès 1830. La maison Christofle est née. En 1842, l’industrieux trentenaire a l’intuition d’acheter, fort cher mais avec le monopole, le droit d’exploiter en France les brevets des orfèvres anglais Georges-Richards et Henry Elkington, qui ont mis au point un procédé de dorure et d’argenture électrolytique.
Fastes impériaux
En cette période où les métaux précieux sont rares, après les divers chaos qui suivirent la Révolution, la technique arrive à point nommé. Son rendu esthétique est irréprochable, contrairement à celui de la dorure et argenture au badigeon employée jusqu’alors, qui utilise du mercure, toxique, tuant les artisans à petit feu. Ces caractéristiques valent à Charles Christofle une commande de Louis-Philippe, pour son château d’Eu en Normandie. Napoléon III, proclamé empereur en 1852, choisit lui aussi Christofle pour équiper le palais des Tuileries, étoffant du même coup son aura de souverain sensible aux progrès de l’industrie comme au sort des ouvriers. Les cours de toute l’Europe, jusqu’à la Russie, passent commande chez Christofle.
François Gilbert, Georges Diebolt et Pierre-Louis Rouillard, Manufacture Christofle, pièce centrale du surtout de cent couverts La France distribuant des couronnes de gloire, 1852-1858, bronze galvanique et bronze argenté, 100 x 292 x 105 cm, Paris, musée des Arts décoratifs. ©Les arts décoratifs/ Jean Tholance.
En 1863, Charles Christofle s’éteint, léguant son entreprise florissante à son fils Paul et à son neveu Henri Bouilhet. Ce dernier met au point une technique de galvanisation massive qui flatte les ambitions architecturales et décoratives du Second Empire. La vierge à l’enfant de dix mètres de haut surplombant Notre-Dame-de-la-Garde à Marseille comme les statues dorées du toit de l’opéra de Paris sortent de la manufacture Christofle de la rue de Bondy.
Affiche pour le briquet de table Bolide imaginé par Jean-Michel Folon pour Christofle en 1974. ©Fondation Folon/ ADAGP, Paris, 2024.
Artistes complices
Paul Christofle et Henri Bouilhet confient à l’artiste et architecte Émile-Auguste Reiber, prix de Rome en 1850, la direction des ateliers de conception de la maison. Ce directeur artistique avant l’heure plonge alors Christofle dans la vague japoniste qui déferle sur les arts décoratifs européens entre 1860 et 1890. La maison fait sensation à l’Exposition universelle de 1867 avec une technique brevetée d’émaux cloisonnés japonisants. « Les créations de la maison, au XIXe comme au XXe siècle, représentent un cours d’histoire de l’art. Christofle semble vouloir la transposer dans les intérieurs de ses clients », remarque Caroline Radenac, directrice du Patrimoine chez Christofle.
Émile Auguste Reiber pour Christofle, Cafetière, vers 1867, cuivre doré, émail cloisonné et ivoire, 19,7 x 19 x 9,5 cm, Paris, musée d’orsay. ©RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay)/ Stéphane Maréchalle.
Après avoir versé dans les formes souples et végétales de l’Art nouveau, Christofle s’illustre entre les deux guerres sous la houlette de Tony Bouilhet, époux de la nièce du designer italien Gio Ponti, qui collabora avec Christofle pour des bougeoirs, appliques ou cafetières des décennies durant. L’ère Art déco génère chez Christofle les célèbres porte-couteaux animaliers du sculpteur Eugène Volynkine, que la légende attribue à Marcel Sandoz, ou les services épurés de Luc Lanel pour les paquebots transatlantiques, dont Normandie.
Antoinette de Ribes pour Gallia-Christofle, Drageoir écureuil, 1931, métal argenté, H. 19,5 cm. DR.
Le baby-boom de l’après Seconde Guerre mondiale offre un nouvel âge d’or à Christofle. Les listes de mariage fleurissent, les ménagères se commandent à foison comme les services de naissance. La maison maintient ses collaborations avec de grands designers, tels le Finlandais Tapio Wirkkala, l’Italien Lino Sabattini ou le Français Roger Talon, mais aussi des artistes, Jean Cocteau ou Arman. Jean-Michel Folon crée en 1974 un spectaculaire briquet de table d’un mètre cinquante de long en forme d’automobile, baptisé Bolide.
Lino Sabattini pour Christofle, service à thé et café Como, vers 1956, métal argenté et osier, dimensions variables. ©Lino Sabattini/ Photo Christie’s images/Bridgeman images.
Vintage et NFT
Cependant le règne des services avec cuillers à entremet et fourchettes à melon décline ; les modes de vie changent avec la montée en puissance de l’art de vivre décontracté de Conran Shop ou Ikea. Le coup de grâce est donné au début des années 1990 par la guerre du Golfe, d’autant que nombre des grands clients de Christofle résident au Moyen-Orient. Le groupe Chalhoub, qui y distribue la marque parmi d’autres fleurons du luxe français, en devient propriétaire en 2012. Malgré de belles collaborations avec des designers tels Andrée Putman ou Eric Schmitt, l’entreprise ne retrouve pas ses marques. Elle quitte en 2008 sa manufacture de Saint-Denis, classée Monuments historiques, pour regrouper dans ses ateliers de Yainville, près de Rouen, ses 200 orfèvres triés sur le volet.
Andrée Putman pour Christofle, centre de table Vertigo, 2002, métal argenté, ø 35 cm. ©Andrée Putman/ ADAGP, Paris, 2024.
En 2020, la trentenaire Émilie Viargues Metge prend la présidence de l’entreprise. Sa stratégie ? Jouer la carte du patrimoine pour relancer la marque. Elle consulte le directeur artistique Ramdane Touhami, qui a appliqué la recette pour les bougies Trudon et les produits de beauté officine universelle Buly. Le nouveau logo Christofle se pare d’une calligraphie très XIXe siècle tandis que les boîtes d’emballage retrouvent leur gris vert du Second Empire.
Eric Schmitt pour Christofle, boîte Céleste, 2016, métal argenté et laiton, 10 x 16 cm. © Eric Schmitt/ADAGP, Paris, 2024/Photo Christofle.
Émilie Viargues Metge mise aussi sur le vintage : « Nous rachetons nos pièces, les expertisons, les restaurons et les revendons. C’est une démarche durable et un moyen de rendre Christofle plus accessible. » Elle impose aussi la maison dans le métavers. Avec un succès fou, Christofle vend des NFT et des accessoires de mode pour la plateforme de jeux Roblox. Dans la vie réelle, une rétrospective s’annonce en novembre au musée des Arts décoratifs, dont Henri Bouilhet, neveu de Charles Christofle, fut l’un des fondateurs.
Studio Christofle, ensemble pour six personnes MOOD, 2015, métal argenté, 30 x 20 cm. ©Christofle.
La Story
1852
Le service dit des Cent couverts, permet à Napoléon III de recevoir cent personnes au palais des Tuileries. Son surtout de quinze pièces au centre duquel deux chars représentent l’Agriculture et l’Industrie symbolisent le programme politique de l’Empereur. C’est la meilleure carte de visite de Charles Christofle vis-à-vis des têtes couronnées d’Europe.
1931
Créée par Christofle à la fin du xixe siècle pour réaliser en alliage d’étain des modèles Art nouveau, la marque Gallia triomphe à l’ère Art déco avec ses modèles animaliers. Ce drageoir écureuil est dessiné par la petite-fille de Charles Christofle, la sculpteure Antoinette de Ribes, alias SEBIR, élève d’Aristide Maillol qui exposa avec Marcel Sandoz et François Pompon.
2015
Le MOOD By Christofle est un best-seller en Europe depuis sa création par le Studio Christofle, qui le surnomme « meilleur objet organisateur de dîner ». Il permet de ne pas mettre le couvert tout en scénarisant sa table. Les « millenials », cœur de cible de Christofle, adorent.
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