Ce sont deux visions de la ville de Paris qui s’affrontent. D’un côté la volonté d’instaurer un nouveau plan local d’urbanisme (PLU) bioclimatique, par la mairie de Paris, qui impose entre autres d’affecter une partie d’un immeuble à des logements sociaux, en cas de gros travaux. Une obligation dénommée pastillage. Avec pour objectif d’atteindre 40 % de logements publics en 2035, dont 30 % de logements sociaux et 10 % de logements abordables (600 nouveaux emplacements seront réservés pour du logement social dont des centaines d’immeubles de bureaux). De l’autre, des élus de Changer Paris (Républicains, Centristes et Indépendants), qui comptent bien empêcher ces contraintes qui pèsent sur les propriétaires de voir le jour.
Le PLU est actuellement révisé et Changer Paris espère faire adopter son projet lors du prochain Conseil de Paris qui aura lieu du 19 au 22 novembre. La dernière révision du PLU remonte à près de 20 ans puisqu’elle date de 2006. Ce nouveau PLU est donc une révision exceptionnelle.
«La valeur des actifs va baisser de 30%» dans les immeubles concernés par la servitude de mixité sociale, s’inquiète Valérie Montandon, conseillère Changer Paris du 12e arrondissement de Paris, lors d’une conférence de presse ce jeudi. Les effets du pastillage sur la rénovation thermique vont être «contre-productifs», assure-t-elle. «Le risque est de figer des opérations. Les propriétaires des immeubles concernés ne vont pas effectuer de travaux de rénovation et vont bloquer les projets. Le nouveau PLU va ralentir la transition écologique», redoute de son côté Jean-Pierre Lecoq, maire du 6e arrondissement.
Les propriétaires de ces gros immeubles qui sont souvent des banques, des compagnies d’assurance, des fonds d’investissement ou encore des investisseurs étrangers «ne sont pas mandatés par leurs actionnaires pour abandonner une partie de la valeur de leur immeuble, affirme-t-il. Les investisseurs internationaux ne vont rien comprendre et vont vendre leurs immeubles», anticipe le maire du 6e arrondissement.
Les bâtiments classés exemptés
Parmi les plus de 90 amendements déposés par le groupe Changer Paris, plusieurs portent sur ce pastillage tant décrié. L’amendement numéro 7 propose d’imposer la création de logements sociaux à tout propriétaire d’un immeuble de bureaux uniquement pour les opérations immobilières dépassant 15.000 mètres carrés.
Pour les projets de plus petite taille, les contraintes seraient supprimées. L’amendement numéro 8 propose «d’exempter les immeubles situés dans des zones sauvegardées ou classées monuments historiques» de cette obligation de créer du logement social, «en raison des contraintes architecturales et patrimoniales». Changer Paris souhaite préserver l’authenticité et le charme des quartiers emblématiques de la ville, «sans imposer des transformations incompatibles avec leur valeur historique».
Un autre amendement exempterait les bâtiments administratifs et publics de l’obligation d’intégrer des logements sociaux, «afin de ne pas imposer des contraintes disproportionnées aux infrastructures publiques nécessaires à la gestion de la ville et de l’État». Effectivement, selon Valérie Montandon, le pastillage ajoute des règles complexes à suivre et sacrifie une partie de la surface des immeubles: «Un immeuble de bureaux qui accueille des logements sociaux doit répondre à deux réglementations incendie différentes et offrir deux accessibilités distinctes qui font perdre de la surface».
Un déficit de logements privés
Un autre amendement suggère d’introduire la notion de zones de déficit en logement privé dans le PLU, ciblant les arrondissements où la part de logements sociaux dépasse 40%. Dans ces zones, un minimum de 60% de logements privés doit être respecté pour «rééquilibrer l’offre résidentielle». Le but étant de répondre «aux besoins des Parisiens en quête de logement dans des quartiers où le logement social est surreprésenté».
Autre sujet d’inquiétude. Le patrimoine faubourien, composé de petits immeubles bas coincés entre deux autres plus hauts, «mérite de garder son identité», explique le maire du 6e arrondissement qui s’oppose à la surélévation d’immeubles faubouriens. «Les deux tiers des surélévations concernent actuellement des immeubles faubouriens», regrette Anne Biraben, conseillère du 5e arrondissement de Paris. Un amendement a été déposé par Changer Paris afin de protéger ce type de bâtiment en garantissant qu’il ne soit pas menacé par des surélévations par exemple. «Nous ne voulons pas d’un Paris surdensifié», conclut David Alphand, conseiller de Paris du 16e arrondissement et coprésident du groupe Changer Paris. À voir si ces amendements seront retenus par la Ville de Paris.
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