Libération de Paris : quand le cinéma réinvente l’Histoire

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Le 24 octobre 1966, la première mondiale de Paris brûle-t-il ?, organisée au Théâtre national du Palais de Chaillot, a des allures de cérémonie officielle : 2 700 invités, un parterre de personnalités mêlant vedettes de cinéma, ministres et généraux accueillis en fanfare par la Garde républicaine, vingt-trois monuments de Paris illuminés et une colonne de blindés légers pour retracer le parcours de la division Leclerc depuis les portes de la capitale. À la fin de la projection, Yves Montand entonne Le Chant des partisans depuis le premier étage de la tour Eiffel.

Alors que Charles de Gaulle est président de la République, le film, qui glorifie la geste gaulliste, est un immense succès populaire : 5 millions de spectateurs. Au point d’être accusé à sa sortie de « propagande d’État » par ses opposants, à quelques mois des élections législatives de 1967.

Adapté du best-seller de Dominique Lapierre et Larry Collins, cette superproduction avec son casting de stars se veut un « Jour le plus long » à la française. Mais vingt ans seulement après les événements et alors que la plupart de ses protagonistes sont encore vivants, la reconstitution de ces journées d’août 1944 est sensible et indissociable du contexte de l’époque.

Du « vrai plus vrai que le vrai »

À l’occasion du 80e anniversaire de la Libération de Paris, le musée qui lui est consacré (1) dévoile dans une passionnante exposition les dessous de la fabrication très politique d’un film qui a gravé durablement ses images dans la mémoire collective. Dans un souci de vérité documentaire, le réalisateur René Clément s’est largement inspiré des précieuses images du Journal de la résistance, documentaire tourné par le Comité de libération du cinéma français (CLCF), jusqu’à en reproduire certaines scènes à l’identique ou à reconstituer la rue de Rivoli, entre-temps entièrement ravalée par Malraux.

Le metteur en scène devra néanmoins composer avec les exigences des communistes, encore très puissants à la Fédération du spectacle, et des gaullistes désormais au pouvoir. Henri Rol-Tanguy, ancien chef des FFI de la région parisienne, est dépêché auprès du réalisateur pour tenter d’atténuer la tonalité très anticommuniste du livre.

« Beaucoup d’éléments du livre, qui sont pourtant authentiques, ne peuvent être utilisés ; si l’on offense de Gaulle, nous n’aurons pas les rues ; si l’on offense les communistes, nous n’aurons pas les électriciens et les machinistes», résume l’écrivain Gore Vidal, chargé, avec le tout jeune Francis Ford Coppola, de muscler le scénario par le distributeur américain Paramount.

Une vision œcuménique de la Libération

«Pendant des mois, le scénario et les dialogues sont réécrits pour tenter de satisfaire conjointement les uns et les autres », explique la commissaire de l’exposition, Sylvie Lindeperg. Cette recherche du compromis contribue à tordre la réalité.

Le rôle du général von Choltitz, montré comme le sauveur de Paris, est édulcoré par peur d’un procès ; certains personnages majeurs de l’époque tels que Georges Bidault, président du Conseil national de la Résistance (CNR), qui s’est entretemps opposé à de Gaulle sur l’Algérie, ou Maurice Kriegel-Valrimont, en délicatesse avec le PCF, disparaissent purement et simplement de l’écran. Quant aux images de femmes tondues ou de soldats allemands maltraités par la foule, pourtant très présentes dans les archives, elles ont tout simplement été bannies.

«Comme dans Le Jour le plus long, on retrouve une curieuse euphémisation de la violence de la guerre. Paris brûle-t-il ? défend une vision œcuménique de la Libération de Paris, présentée comme l’action conjuguée des communistes et des gaullistes », estime l’historien Olivier Wieviorka dans le catalogue de l’exposition. Et consolide le mythe héroïque d’une nation tout entière dressée contre l’occupant.

Reste l’étonnante absence du Général de Gaulle lui-même et de son célèbre discours de l’Hôtel de Ville. Sa représentation à l’écran par un acteur a fait l’objet de vives tensions avec le producteur Paul Graetz. Les lettres menaçantes adressées au réalisateur en témoignent. « Je peux montrer le diable (Hitler) mais pas le bon Dieu», justifie René Clément. Celui-ci achève donc son film avec des images d’archives du défilé de Charles de Gaulle le 26 août sur les Champs-Élysées, acclamé par une foule en liesse, accomplissant une « fusion symbolique des temps, explique Sylvie Lindeperg. Paris brûle-t-il ? justifie en quelque sorte le présent de 1966 par le glorieux passé de 1944 ».

Le Musée de la Libération de Paris présente l’exposition « Paris brûle-t-il ? Quand le cinéma réinvente la Libération », jusqu’au 22 septembre.

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