Développées dans les derniers siècles du Moyen Âge, les corporations de métiers et confréries pieuses avaient, chacune, une église particulière pour accueillir leurs marques de dévotions. La confrérie du Puy-Notre-Dame, fondée à Amiens, fut la première en France à prescrire, en 1451, le don annuel – ici à la cathédrale picarde –, d’un tableau honorant la Vierge. À Paris, la communauté des orfèvres avait adopté la cathédrale Notre-Dame comme siège religieux en 1449. Elle prit alors coutume de lui offrir, chaque 1er mai, un arbre enrubanné appelé « May » au cours d’une joyeuse cérémonie assez commune, en France, pour unir fête patronale et arrivée du printemps.
Une peinture affranchie du retable
En 1499, la corporation adjoignit à ce May un tabernacle d’orfèvrerie orné, à partir de 1533, d’un tableau. Après le renouvellement du tabernacle en 1608, on imposa, en 1630, le don unique d’un tableau gigantesque d’environ onze pieds (3,52 mètres) conservant le nom de May. En cette période d’active reprise en main catholique, le clergé exigea – du moins jusqu’en 1672 – que ce tableau illustrât une scène des Actes des Apôtres, livre du Nouveau Testament relatant l’évangélisation du monde romain par les disciples du Christ.
École hollandaise, Intérieur de Notre-Dame, début du XVIIe siècle
Triomphe d’une peinture de chevalet affranchie du retable, le May devint un enjeu majeur de promotion et d’émulation pour les plus grands artistes du temps, alors privés de salons publics réguliers. Depuis 1627, date du retour d’Italie à Paris de Simon Vouet, l’activité picturale, bouillonnante, jetait les bases d’un classicisme à la française, non sans marques baroques. Fondée en 1648, l’Académie royale de peinture et sculpture, conjuguée à l’ascendant de Charles Le Brun, rentré de Rome en 1646, contribua à affermir ce classicisme à un moment où l’art de peindre, interrogé comme jamais jusque-là dans ses moyens et ses buts, s’affirmait comme enjeu culturel majeur pour le règne de Louis XIV.
Jean-François Depelchin, Vue intérieure de Notre-Dame, 1789, huile sur bois, 43 x 54 cm, Paris, musée Carnavalet.
Véritable école de narration et d’exploration des sentiments humains, le May allait accompagner toutes les évolutions de la peinture d’histoire, alors au sommet de la hiérarchie des genres. Sur un total de quarante-huit peintres de Mays, quarante d’entre eux furent académiciens ou le devinrent après avoir réalisé au moins un May. Objets de descriptions livresques depuis 1676, ces peintures, choyées, furent restaurées au XVIIIe siècle à deux reprises, d’abord en 1731-1732, sous le contrôle d’un comité artistique, puis en 1781.
Un destin chaotique
« [Ces] Messieurs du Chapitre n’ont rien épargné pour mettre sous les yeux de la Nation une des plus belles époques de la peinture en France », écrivait avec justesse, à la veille de la Révolution, Luc-Vincent Thiéry dans son guide de Paris. Accrochés dans la nef, les bas-côtés, le transept ainsi qu’autour du chœur, ces 75 Mays formaient un ensemble de peintures sans égal. Les deux Mays de Charles Le Brun, peintre des fastes louisquatorziens, étaient alors à l’honneur à la croisée du transept. Seul manquait le May de 1690, offert, en 1736, à l’église Saint-Mathurin de Larchant (Seine-et-Marne) que possédait le chapitre de Notre-Dame. La Révolution les propulsa dans la tourmente.
Charles Le Brun, Le Crucifiement de saint André, 1647, huile sur toile, 410 x 310 cm, Paris, cathédrale Notre-Dame © Pascal Lemaitre
Après la nationalisation des biens du clergé en novembre 1789, un comité fut créé pour s’occuper des objets saisis. C’est alors qu’intervint un personnage hors du commun dans la défense du patrimoine national : le peintre Alexandre Lenoir (1761-1839). Le 3 juin 1791, le gouvernement révolutionnaire lui accordait la gestion des œuvres envoyées au dépôt central de l’ancien couvent des Petits-Augustins (actuelle École nationale supérieure des Beaux-Arts, rue Bonaparte). Nommé conservateur en novembre 1794, il put, en 1795, aménager le lieu en un fameux musée des Monuments français. Mais si Lenoir avait pu s’arroger une autonomie d’action dans l’art statuaire, le sort des peintures lui échappa.
Jean Jouvenet, La Visitation, 1716, huile sur toile, 432 x 441 cm, Paris, cathédrale Notre-Dame, en dépôt au musée du Louvre © Pascal Lemaitre
Parmi les quelque 2000 tableaux envoyés aux Petits-Augustins, seuls un peu plus de 200 d’entre eux, dont un très grand nombre de Mays, furent réservés au Muséum central des arts du Louvre en gestation. En 1797 puis 1798, près de 1500 œuvres, sur ordre des autorités révolutionnaires, furent mises à l’encan et beaucoup disparurent à ce moment. En revanche, près de quatre cents tableaux envoyés en 1797-1798 à un dépôt de la rue de Beaune échappèrent aux ventes et furent dispersés entre 1806 et 1811, sous l’Empire, dans des églises de la région parisienne. Le dernier acte de la dispersion des Mays se joua le 28 novembre 1810. Ce jour-là, Jean-Baptiste Lebrun, grand acteur du marché de l’art, organisait à Paris une vente comprenant cinq Mays.
Les Mays de nos jours
Rendue au culte en 1802, Notre-Dame n’avait récupéré, en 1874, que quatre de ses Mays. Les études, menées notamment par Pierre-Marie Auzas (1914- 1992) et les historiens de l’art du XVIIe siècle ont permis de répertorier aujourd’hui cinquante et un Mays subsistants. Pour certains d’entre eux, leur origine s’était perdue avec leurs tribulations. Quatre Mays de la vente Lebrun acquis par l’oncle de Napoléon Ier, le cardinal Joseph Fesch (1763- 1839), archevêque de Lyon et collectionneur compulsif, furent localisés en région Rhône-Alpes, dont, en mars 2021, le May de 1698, L’Adoration des Mages de Joseph Vivien (n° 29 de la vente de 1810), retrouvé dans l’église Saint-Nicolas de Givors.
La galerie des Mays du musée des Beaux-Arts d’Arras ©Hervé Grandsart
Après dépose, en 1938, de treize Mays au musée Saint-Vaast d’Arras qui leur a réservé une superbe galerie, le musée du Louvre renvoya, en 1947, quatre de ses Mays à Notre-Dame. Bénéficiaire de nouveaux dépôts, la cathédrale en expose aujourd’hui treize, échelonnés entre 1634 et 1702. Intégralement sauvés lors de l’incendie de 2019, ils seront restaurés. Dix-sept autres Mays se trouvent en outre conservés dans des églises et musées français, autres qu’Arras et le Louvre, qui en possède toujours huit. Des esquisses de May peuvent également ressurgir : en 2020, le musée Bonnat-Helleu de Bayonne acquit l’esquisse du May de 1678 de Bon Boullogne l’Aîné, aujourd’hui conservé à Arras : l’histoire des Mays semble loin d’être terminée !
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