« Le sanctuaire est le lieu le plus vénérable de la cathédrale ! », rappelle Virginie Valenza, architecte du patrimoine au sein de la maîtrise d’œuvre. « C’est le cœur de Notre-Dame. Là où se tiennent les chanoines, où se trouve le tabernacle et où se trouvait, jusqu’à la réforme liturgique, le maître-autel principal. » Ce vaste espace occupe le chœur, de la croisée du transept au déambulatoire. Jusqu’au XVIIIe siècle, cette zone était séparée du reste de l’édifice par le jubé et, depuis, par une grille en acier forgé dans ses parties nord, sud et est.
Une restauration multiple et délicate
Richement orné, il accueille des stalles en bois sculpté, prolongées par deux chaires à prêcher ouvragées, l’orgue de chœur et l’autel sur une mosaïque de marbre en damier dans sa partie basse ; le groupe sculpté du Vœu de Louis XIII, la Croix et la Gloire de Marc Couturier (né en 1946) ainsi que l’autel majeur du XIXe siècle sur une marqueterie de marbre multicolore dans sa partie haute. L’ensemble a été nettoyé et restauré, faisant intervenir dans un espace restreint plusieurs corps de métier en même temps.
Des grilles abîmées par l’usage
Les grilles – de 3 m de long par 2,5 m de haut –, qui ferment le sanctuaire sont en acier forgé avec des décors estampés en acier, peints et dorés. « Les grilles étaient plutôt en bon état, mais elles présentaient quelques manques et des traces d’usure, notamment sur les vantaux qui étaient manipulés pour être ouverts ou fermés », précise Marjorie Dorsemaine, cheffe de projets à la direction des opérations de l’établissement public. En groupement avec Atelier d’Œuvres de Forge (Dordogne), mandataire, spécialisé en ferronnerie, métallerie et serrurerie pour la restauration du patrimoine, et Atelier de Ricou (Hauts-de-Seine), l’établissement de Chant-Viron (Hauts-de-Seine), spécialisé dans la restauration et la restitution d’œuvres d’art métalliques, a procédé à leur nettoyage. « Nous avons dépoussiéré et nettoyé l’ensemble des grilles sur place avec une solution de nettoyage chimique douce – un complexant – appliquée avec des compresses de coton ou en gel sur chaque centimètre carré, puis nous avons rincé à l’eau déminéralisée. C’était un travail long et minutieux », explique Zoé Roux, responsable des opérations chez Chant-Viron.
Les ferronniers de l’Atelier d’Œuvres de Forge ont réparé et restitué certains décors abîmés ou disparus et ont révisé les serrures. L’Atelier de Ricou, spécialisé dans la restauration de peintures murales, d’éléments sculptés et de dorures, a ensuite procédé aux retouches de dorure. « Ce nettoyage a permis de remettre en valeur la brillance des métaux. Une cire microcristalline a été posée en finition pour protéger la grille, mais aussi pour accentuer cet éclat », précise Virginie Valenza.
Des stalles restaurées
Dans la partie basse, côté ouest du sanctuaire, les stalles en chêne sculpté du XVIIIe siècle ont-elles aussi été inspectées, nettoyées et restaurées. « Les deux chaires à prêcher ont été les plus abîmées par l’incendie, du fait de leur proximité avec la croisée du transept. Quant aux stalles, elles présentaient également des manques ou des altérations qui dataient d’avant le 15 avril 2019 », explique Christel Bernard-Curtelin, architecte au sein de la maîtrise d’œuvre. Les stalles sont un ensemble d’une très grande finesse d’exécution.
Sur leurs parties basses, on trouve les sièges des chanoines avec leurs assises rétractables. Chaque assise est séparée par des accoudoirs sculptés. Sur les stalles hautes, en fond, 16 panneaux sont sculptés en bas-relief de scènes racontant la vie de la Vierge. Ce sont des chefs-d’œuvre de la sculpture sur bois du début du XVIIIe siècle. « Quelques éléments sculptés étaient tombés, car sous l’effet de la chaleur de l’incendie, la colle avait fondu. Un patient travail de recherche et de référencement a été entrepris pour les retrouver ainsi que leur emplacement. Comme un puzzle, nous avons reconstitué toutes les pièces et pour celles qui manquaient, nous les avons resculptées », explique Julien Bénéteau, conducteur de travaux au sein des Établissements Giffard (Val-de-Marne).
Pour être au plus près des motifs d’origine, les menuisiers et sculpteurs ont procédé par estampage avec du silicone, puis ont fabriqué un modèle en plâtre de la forme à resculpter. Une fois celle-ci réalisée à l’atelier, la greffe est collée sur le panneau puis des finitions sont portées sur place. Les stalles avaient aussi souffert de l’usage. « Des trous avaient été faits dans le bois pour fixer des bras de lumière ou passer des fils électriques pour les équipements en son et lumière par exemple. Ils ont été rebouchés », précise Marjorie Dorsemaine. L’ensemble, qui avait été déverni, a été reverni et réharmonisé.
Le Vœu de Louis XIII miraculé
À l’est du sanctuaire se trouve l’un des plus beaux groupes sculptés de la cathédrale et de la statuaire du XVIIIe siècle. Le Vœu de Louis XIII, composé de sa Pietà en marbre signée du sculpteur Nicolas Coustou (1658-1733), avec de chaque côté, les deux statues de Louis XIII et Louis XIV priant, elles aussi en marbre, et 6 anges en bronze portant les instruments de la Passion. « L’ensemble du groupe sculpté en marbre avait été restauré par la Drac Île-de-France en 2018 et était en bon état. Nous l’avons dépoussiéré », précise Virginie Valenza. L’incendie a laissé tout de même quelques traces, comme le raconte la restauratrice Nathalie Pruha, restauratrice de sculptures : « La sculpture était parsemée, dans sa partie basse et sur le socle, de projections de plomb résultant d’une coulure qui était tombée dans la main du Christ. Nous avons nettoyé l’ensemble, mais, symboliquement, nous avons gardé la trace dans la main du Christ comme un témoignage de l’incendie. »
Les anges en bronze, qui n’avaient pas été restaurés en 2018, ont été nettoyés et des repeints anciens ont été enlevés pour leur redonner de la lisibilité. « Ce nettoyage a redonné toute leur puissance à ces chefs-d’œuvre. On a retrouvé de magnifiques dentelles de marbre par exemple », s’émeut Virginie Valenza. La Croix dorée à la feuille d’or et la Gloire – représentant le Saint-Esprit – recouverte de feuilles d’argent de Marc Couturier ont également été nettoyées et quelques lacunes ont été comblées. Le maître-autel en marbre d’époque Viollet-le-Duc, plaqué d’un bas-relief métallique rapporté signé François Girardon (1628-1715), a lui aussi été nettoyé.
Une marqueterie de marbre précieux
À cet endroit du sanctuaire, le sol est une magnifique marqueterie de marbre précieux. « Cette marqueterie a été mise en place par Robert de Cotte au moment du réaménagement du chœur. Viollet-le-Duc aurait pu la retirer lorsqu’il a fait creuser le caveau des évêques, mais il l’a conservée », explique Alexis Giroud, architecte du patrimoine au sein de la maîtrise d’œuvre. À part quelques impacts dus à la chute d’un voussoir de la voûte de la croisée, elle est dans un excellent état.
Et elle a été protégée tout au long du chantier comme le confirme Lauren Chereau, conductrice de travaux chez Socra (Dordogne) : « En 2021, nous avons procédé à un entoilage de la marqueterie avec une toile assez fine pour limiter les casses et la maintenir jusqu’à ce que nous puissions intervenir. Lorsque nous avons retiré l’entoilage, nous avons pu constater qu’elle était en bon état, malgré quelques remontées d’humidité et quelques traces d’oxyde. » Là aussi, l’essentiel de l’intervention a consisté en un nettoyage approfondi. Et les quelques manques ont été comblés par des ajouts de marbre. Une fois terminée cette restauration du sol, l’accès au sanctuaire, au moins dans sa partie haute, sera condamné pour être protégé jusqu’à la réouverture de la cathédrale.
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