Le chantier de la gare d’Austerlitz est monumental. « Au plus fort des travaux, l’échafaudage surplombant la gare et les voies pesait plus de 3.000 tonnes d’acier. C’était le plus grand d’Europe. Par comparaison, il faisait sept fois la taille de celui de Notre-Dame de Paris ! Entre 100 et 150 compagnons y travaillent chaque jour », détaillent fièrement Jean-Claude Durand et Patrick Fau, directeurs du programme de rénovation pour SNCF Gares & Connexions, qui y a investi 400 millions d’euros.
Déjà cinq ans de travaux
Après cinq ans de travaux, une partie de ce grand échafaudage a été démontée. Certains changements apparaissent peu à peu. « Dès qu’un équipement peut être mis en service, il l’est. Nous n’attendrons pas que tout soit achevé pour ouvrir », assure Patrick Fau. Et de désigner un nouvel ascenseur, qui permettra d’accéder directement des quais au métro aérien de la ligne 5 : « Celui-ci sera opérationnel cet été ».
Le projet de restauration de la gare d’Austerlitz s’articule autour de deux grands volets : la restauration d’un patrimoine ferroviaire exceptionnel, combinée à la modernisation de la gare.
Un patrimoine caché, oublié
Victimes d’aménagements successifs jamais pensés dans la globalité, de nombreux éléments de la gare d’Austerlitz étaient dégradés, peu mis en valeur, voire totalement invisibilisés.
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Le plus bel exemple en est la charpente de la grande halle métallique, conçue selon le système de Polonceau, plus vaste que celles des gares Saint-Lazare ou du Nord, et réalisée par les usines Schneider du Creusot. Pourtant inscrite à l’inventaire des monuments historiques depuis 1997, elle sommeillait. Au-dessus des voies, « toutes les vitres de la verrière étaient cassées ou manquantes, et des poutres métalliques ont dû être remplacées », décrit Arnaud Cayre, architecte et chef de projet de l’agence AREP. Côté gare, la verrière était simplement dissimulée aux yeux du public, la grande halle n’ayant pas été exploitée depuis des dizaines d’années.
Ce sont ainsi 15.000 m² de verrière et de toiture qui ont été restaurées à l’identique, 4.700 m² de façade en pierre remises au propre, 71 menuiseries remplacées par des neuves et 12 restaurées à l’identique.
François Geronimi, directeur de la gare depuis près de trois ans, sait qu’il vit un moment exceptionnel : « On redécouvre un patrimoine qu’on ne voyait plus. Un projet de cette envergure, il n’y en a pas d’autre ! «
Une restructuration profonde
Permettre ce chantier sans précédent tout en maintenant l’activité ferroviaire est aussi un défi. Que les 560 trains quotidiens et les voyageurs circulent pendant que les travaux s’exécutent, en totale sécurité sur tous les tableaux, « c’était un peu l’inconnu ! Les équipes échangent beaucoup au quotidien. On ne peut pas faire autrement que de travailler ensemble. C’est complexe, mais pas difficile », assure François Géronimi. Il a fallu, par exemple, faire en sorte que le bruit des travaux ne masque pas les annonces en gare. Et isoler le chantier afin que les poussières n’atteignent pas les voyageurs. Ou encore prévoir des cheminements temporaires et accessibles à tous, pour ne bloquer aucun accès.
Le challenge, c’était enfin de faire entrer la gare au 21e siècle. « On travaille sur une nouvelle expérience voyageurs. Tout sera recentré au cœur de la gare : les services, toutes les communications, métro, RER… Tout doit être plus naturel, plus rapide, plus intuitif. » Fini, les longs cheminements, les couloirs et les coudes afin d’accéder aux lignes 10 et 5 du métro ou au RER C. Cinq ascenseurs et douze escaliers mécaniques permettront d’y accéder, grâce à des trémies ouvertes au plus près, dans la grande halle voyageurs ou le « hall Prince » (en hommage à Alexandre Prince, marin et aérostier), côté Seine.
De nouveaux espaces
De nouveaux espaces de vente et d’attente seront réalisés. 7.000 m² seront également dédiés au commerce, avec plus de 60 enseignes prévues. Ainsi qu’un programme paysager, avec la plantation de 115 arbres. Les déplacement doux n’ont pas été oubliés : 730 emplacements supplémentaires seront créés pour les vélos, portant le nombre de places à 1.000 au total. Les consommations énergétiques seront optimisées, avec un éclairage public LED, un programme de gestion technique du bâtiment, le raccordement au réseau Fraîcheur de Paris et au chauffage urbain…
« La gare d’origine n’ayant jamais accueilli le TGV, elle n’avait pas connu de grande rénovation comme d’autres gares, explique François Geronimi. C’était une belle endormie. Aujourd’hui, on va assister à son réveil. Austerlitz est un vrai phénix ! »
Des références aux ballons du siège de Paris
Au cœur de la grande halle voyageurs, un grand volume s’inspirera des ballons qui y étaient autrefois fabriqués.
Projection L’autre image
C’est une partie de l’histoire de la gare qui est tombée dans l’oubli. Pendant le siège de Paris, en 1870, la vaste halle métallique d’Austerlitz a servi d’atelier de fabrication de ballons à gaz – avant d’être défigurée par un parking automobile sur trois niveaux, des années 1970 jusqu’en 2012. Les ballons, eux, étaient utilisés pour transmettre du courrier alors que la ville de Paris était encerclée par les Prussiens. La hauteur du lieu permettait de les accrocher à la structure métallique et de les gonfler à l’abri du vent. Pour rendre hommage à cet épisode, le projet architectural a prévu un espace matérialisant un dirigeable (bien que les ballons historiques étaient plus semblables à des montgolfières). Il surplombera des boutiques et devrait accueillir une programmation événementielle.
Une ouverture sur la ville de Paris
Le réaménagement de la gare s’inscrit dans un projet global de rénovation urbaine de la ZAC Paris Rive Gauche. Entre la gare et l’hôpital de la Pitié Salpêtrière, côté Cour Muséum, seront construits des bureaux, des logements, une résidence étudiante, un hôtel, un parking sous-terrain et une plateforme logistique. Et une nouvelle rue sera créée, qui prendra le nom de David Bowie.
La Cour Muséum. Image Kaufman & Broad
Maude Milekovic (texte et photos) et Yassine Azoug (photos et vidéo)
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