Jonathan Siksou : « À court de liquidités, la Ville de Paris généralise la privatisation de l’espace public »

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Marianne : On sent à travers votre livre, malgré tout, un amour pour la ville, ou ce qu’il peut en rester. Habitez-vous en ville ? Qu’en aimez-vous encore ?

Jonathan Siksou : Je suis né en ville et y ai toujours vécu. À Paris, précisément – ce qui ne m’empêche pas d’aller voir ce qui se passe ailleurs et de me réfugier à la campagne dès que je le peux ! Cependant, il m’est inconcevable d’envisager une vie quotidienne loin de ce décor. Lorsqu’on a « naturellement » intériorisé certains inconvénients (bruits, circulation, pollution, promiscuité etc.), le reste s’impose par sa majesté indétrônable. On a sous les yeux la matérialisation du génie humain : la perfection de l’urbanisme, la justesse de l’art et la grandeur de l’architecture… c’est aussi le témoignage tangible de notre histoire, de sa splendeur et de ses horreurs… Vivre en ville, c’est vivre parmi tout cela.

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La vie en ville se définit aussi par une émulation incomparable. La ville demeure la promesse de rencontres et de réussite et tout y est à portée de main : les musées, les restaurants, voire le travail ! Mais pour être complète, parfaite, une ville doit aussi offrir des retranchements : franchir une porte pour se couper du tumulte, se réfugier dans le silence, celui d’un appartement loin de la rue ou d’une maison cachée dans un jardin. C’est ainsi qu’un Parisien peut encore rester parisien : en se cachant ; car il a contre lui des édiles – cas unique au monde – qui font tout pour lui pourrir la vie, saccager la quiétude de son quotidien et la beauté de son environnement.

À la ville, le silence n’est plus permis, écrivez-vous. En quoi ?

La ville a toujours été un lieu bruyant mais celle-ci l’est de plus en plus. Pour pallier une inattention collective inédite dans l’histoire de l’humanité (l’écrasante majorité des personnes qui marchent dans la rue et qui prennent les transports en commun ne font plus attention à leur environnement : elles ont les yeux rivés sur leur téléphone avec des écouteurs sur les oreilles), l’espace public s’est rempli de signalisations sonores.

La ville bip-bipe de toute part, les feux de circulation annoncent leurs couleurs d’une voix synthétique, les portes des bus et des métros s’ouvrent et se ferment dans un vacarme de sirènes, les marches arrière des véhicules s’accompagnent d’alarmes stridentes… Tout cela parce que de moins en moins de gens regardent autour d’eux. Paradoxalement, d’autres dangers sont silencieux : voitures électriques, vélos, trottinettes…

Pourquoi des esprits tordus ont-ils inventé le digicode, quitte à en mettre parfois deux par hall ?

La faute à la disparition des concierges ! Sans la surveillance de ces soldats d’élite domestique, la quiétude d’un immeuble ne repose que sur son ou ses digicodes. Et on voit le résultat : ces petits claviers ont beau se multiplier, on n’a jamais dénombré autant de cambriolages. On peut en tirer le constat suivant : alors qu’un malfrat sait toujours ouvrir une porte pour commettre son larcin, le promeneur, l’honnête fureteur, est désormais privé des fruits de sa curiosité. Quand l’un sait comment aller dérober un collier dans une table de chevet, l’autre est empêché d’aller admirer une cage d’escalier ou un jardin au fond d’une cour. Il serait impossible aujourd’hui d’écrire Les Mystères de Paris.

Que pensez-vous des immenses affiches publicitaires sur les monuments de Paris. Du genre affiche pour smartphone sur l’Opéra, ou affiche pour du prêt-à-porter sur les églises ?

Ces publicités monumentales subventionnent bel et bien, en grande partie, les travaux qu’elles camouflent. C’est malheureux mais c’est ainsi : la restauration de monuments publics tels que le palais de Justice, l’église de la Madeleine, le musée du Louvre, l’hôtel de la Marine ou l’Opéra de Paris ne peut être exclusivement assurée par l’État – son propriétaire. Dans un sens, c’est un moindre mal : Apple et Vuitton pallient le mauvais usage qui est fait de nos impôts quand ceux-ci pourraient entretenir notre patrimoine. Mais dans l’autre, le message est désastreux : ces publicités-obligatoires actent la démission de l’État, son incapacité à assurer l’entretien et la transmission de notre bien commun – car nous en sommes tous les copropriétaires. Parce qu’il ne peut vendre les bijoux de famille, il les loue, il les cède, le temps d’un chantier ou d’une soirée, à l’occasion d’un spot publicitaire ou d’un événement sportif.

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À court de liquidités, la Ville de Paris généralise ainsi la privatisation de l’espace public. J’ai beau être attaché au luxe et à son art de vivre (exception culturelle française depuis Colbert !), je ne peux tolérer que pour de richissimes entreprises notre capitale se mue en Marie-couche-toi-là. Il faut reconnaître que notre maire sait aguicher le client : à celui qui peut se payer le Louvre, elle va aussi proposer la place de la Concorde ; à celui qui s’offre l’esplanade du Trocadéro, elle va céder le Pont-Neuf… le temps d’un tournage ou d’un défilé de mode. Il en résulte d’incessants montages et démontages d’immenses structures éphémères qui obstruent la circulation autant que le paysage.

La tenue des JO de 2024 démontre aussi le mépris rayonnant, l’ignorance satisfaite voire la détestation profonde des actuels occupants de l’Hôtel de Ville pour ce qui touche à l’âme de Paris. Mme Hidalgo a d’ores et déjà accepté, pour satisfaire aux exigences des sponsors, d’arracher les boîtes des bouquinistes : l’un des symboles de notre capitale depuis le XVIIe siècle. Elle ne craint pas – car elle l’ignore – de faire mentir Blaise Cendras selon qui « Paris est la seule ville au monde où coule un fleuve encadré par deux rangées de livres ».

Le spectacle contemporain des jardins publics vous effraie. Pourquoi ? On y trouve pourtant de la vie…

Le propre des parcs et jardins était, jusqu’à il y a peu, d’offrir aux citadins une bulle de respiration, une parenthèse de quiétude, une rupture avec l’agitation urbaine. Mais la frénésie athlétique a franchi leurs grilles pour envahir leurs paisibles bosquets et leurs allées pensées pour la promenade. La « performance physique » du « corps sain » impose désormais son souffle court et sa transpiration dans les lieux mêmes de la contemplation et du repos ! Bien entendu, vous n’êtes pas (encore) obligés de courir lorsque vous souhaitez simplement vous dégourdir les jambes le long des pelouses, mais il n’est pas rare d’être un unique marcheur parmi des coureurs – surtout le week-end. Cet exhibitionnisme hygiéniste s’illustre également dans les séances de relaxation asiatique et autres cours de boxe et d’haltérophilie. Il y a pourtant des lieux faits pour ça : la salle de sport et le stade – il y en a dans tous les arrondissements.

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Mais à force, je vais finir par passer pour un vieux ronchon ! Pour vous répondre : oui, la ville est pleine de vie ! Et c’est cela qu’il me plaît à raconter dans mon livre : les différentes façons que nous avons d’occuper cet espace, de le modifier ou de simplement le traverser. Et comment les uns et les autres s’arrangent pour vivre ensemble. Là, je n’ai qu’une ligne de défense à proposer : le rire, l’humour et la légèreté !

La chronique a été générée aussi sérieusement que possible. Dans la mesure où vous désirez mettre à disposition des renseignements supplémentaires à cet article sur le sujet « Découverte de paris » vous pouvez utiliser les contacts affichés sur notre site web. Le but de aquarelleparis.fr est de débattre de Découverte de paris dans la transparence en vous donnant la visibilité de tout ce qui est mis en ligne sur ce thème sur le net Cet article, qui traite du thème « Découverte de paris », vous est volontairement proposé par aquarelleparis.fr. Connectez-vous sur notre site internet aquarelleparis.fr et nos réseaux sociaux pour être informé des prochaines publications.

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