Joie des cloches ! Notre-Dame de Paris a retrouve sa voix grâce aux artisans de l’ombre

, Joie des cloches ! Notre-Dame de Paris a retrouve sa voix grâce aux artisans de l’ombre

En France, plus de 6 000 cloches sont classées ou inscrites – comme les édifices qui les abritent – au titre des Monuments historiques. Qu’elles pèsent quelques kilos ou plusieurs tonnes, elles doivent leur existence et leur fonctionnement à des artisans de l’ombre : les fondeurs de cloches qui les fabriquent, les campanistes qui les installent, veillent à leurs fonctionnement, entretien et maintenance.

À lire aussi :

Les campanistes, artisans des cloches et horlogeries d’édifice

En juillet 2023, les 8 cloches de la tour nord de Notre-Dame de Paris, atteinte par les flammes de l’incendie du 15 avril 2019, ont été déposées pour être nettoyées et vérifiées, et aussi pour permettre au beffroi nord d’être restauré. Réinstallées en septembre 2024, elles  ont sonné à nouveau pour la première fois depuis l’incendie le 8 novembre, à un mois de la réouverture de la cathédrale.

Nettoyées et restaurées, les huit cloches de la tour nord de Notre-Dame de Paris ont été réinstallées dans la cathédrale le 12 septembre 2024. © LP / Paul Abran

Nettoyées et restaurées, les huit cloches de la tour nord de Notre-Dame de Paris ont été réinstallées dans la cathédrale le 12 septembre 2024. © LP / Paul Abran

L’opération a été réalisée par le groupement d’entreprises campanaires Gougeon (Indre-et-Loire), mandataire, Brouillet et fils (Corrèze), Frotey (Haute-Saône), André Voegele (Bas-Rhin) et Chomel Dard (Allier). Les cloches sont nettoyées et, pour deux d’entre elles ayant souffert de la chaleur restaurées dans les ateliers de Cornille Havard (Manche), une des deux dernières fonderies spécialisées dans la fabrication de cloches et de bronzes d’art, avant de retrouver leur emplacement d’origine. Il existe environ 300 artisans campanistes en France, qui officient au sein d’une quarantaine d’entreprises, le plus souvent de petite taille, avec moins de 20 salariés. Ces professionnels de la conception, de la réalisation, de l’installation, de la restauration et de l’entretien des cloches et horlogeries d’édifices maîtrisent différentes techniques : charpenterie pour l’installation des structures bois, horlogerie pour les mécanismes ou encore électronique pour les systèmes de commandes automatiques programmées.

Artisans aux multiples casquettes, les campanistes interviennent dès la dépose des cloches, comme ici en juillet 2023 pour les 8 du beffroi nord de Notre-Dame.

Artisans aux multiples casquettes, les campanistes interviennent dès la dépose des cloches, en juillet 2023 pour les 8 du beffroi nord de Notre-Dame. © Jean-Luc Pietri/Dronivity

Ceux qui maîtrisent également l’art de fondre des cloches sont beaucoup moins nombreux. Créé en 1865 et implanté à Villedieu-les-Poêles, l’atelier Cornille Havard est l’un d’eux. Chargé de la révision et de la restauration des cloches du beffroi nord de Notre-Dame, cet atelier avait réalisé, en 2012, avec la coopération de la sculptrice Virginie Bassetti pour leurs décors, 9 nouvelles cloches pour la cathédrale, à l’occasion de ses 850 ans (8 dans la tour nord, 1 dans la tour sud). La fonderie avait aussi restauré, en 2017, le bourdon historique de 1681, une cloche de 13 320 kilos.

Dépose des cloches, en juillet 2023 pour les 8 du beffroi nord de Notre-Dame. © Jean-Luc Pietri/Dronivity

Dépose des cloches, en juillet 2023 pour les 8 du beffroi nord de Notre-Dame. © Jean-Luc Pietri/Dronivity

Sonnerie en volée

« Une cloche est une pièce de fonderie, un instrument de musique et un objet symbolique, résume Paul Bergamo, directeur de Cornille Havard. On utilise le meilleur de la tradition et de la technologie avec pour seul objectif de faire la plus belle cloche possible. » Dans les édifices religieux, les cloches sonnent en volée. Elles se balancent et nécessitent donc une structure et des accessoires. C’est l’affaire des campanistes, dont le travail requiert des savoir-faire et des compétences multiples. Ils sont à la fois charpentiers et menuisiers – pour l’installation des structures en bois qui porteront les cloches –, horlogers et serruriers, mais aussi mécaniciens, électriciens ou électroniciens, notamment pour la mise en œuvre des systèmes de commandes automatiques programmées.

Pesant jusqu’à 4 tonnes, les 8 cloches du beffroi nord ont nécessité l’intervention de nombreux campanistes pour être déplacées en toute sécurité. © Jean-Luc Pietri/Dronivity

Pesant jusqu’à 4 tonnes, les 8 cloches du beffroi nord ont nécessité l’intervention de nombreux campanistes pour être déplacées en toute sécurité. © Jean-Luc Pietri/Dronivity

Si le terme « campaniste » n’est entré dans le dictionnaire qu’en 2007, il vient du mot latin campanae, qui désignait les cloches dès le Ve siècle, à l’époque où elles étaient installées dans les campaniles. « C’est un métier ancien, qui regroupe plusieurs spécialités. Il n’y a jamais de routine. On répète des gestes, mais que nous adaptons à chaque édifice », explique le campaniste Alexandre Gougeon. L’entreprise qu’il gère, créée en 1979 par ses parents, fait partie des 8 sociétés artisanales formant le réseau ATC (Artisans Techniciens Campanaires), dont 5 ont été mandatées pour œuvrer ensemble à la dépose, la repose et la remise en sonnerie des 8 cloches du beffroi nord de la cathédrale Notre-Dame de Paris.

Dans l'atelier de la fonderie Cornille Havard.

Dans l’atelier de la fonderie Cornille Havard.

Une fois déposées, les 8 cloches sont nettoyées et 2 d’entre elles restaurées en atelier chez Cornille Havard, à l’exception de certains traitements thermiques spécifiques réalisés chez son sous-traitant, la maison Grassmayr, à Innsbruck (Autriche). « Chaque élément d’une cloche a une durée de vie différente : entre 50 et 100 ans pour un joug, de 10 à 50 ans pour un battant et souvent beaucoup moins pour le système électrique », explique Paul Bergamo. Le beffroi peut lui aussi présenter des problèmes structurels. Les bois se dégradent avec le temps et l’humidité. « Chaque cas est différent. Il faut analyser l’existant, définir une cohérence, car souvent, plusieurs époques s’entremêlent sur un même édifice. Comme dans tout programme de restauration, il faut décider quel état, quelle époque on va restituer », précise-t-il.


Quelle formation ?

Pour être campaniste, il n’existe aucune formation dédiée. Le métier s’apprend par la pratique et/ou par le biais de filières techniques parallèles, comme l’électrotechnique ou l’horlogerie. Pour être fondeur, il existe des formations spécifiques à la fonderie en général allant du CAP à l’école d’ingénieur (École supérieure de fonderie et de forge – ESFF).

Quelles qualités faut-il avoir ?

Capacité d’adaptation.
Autonomie.
Curiosité.

Quels sont les 3 outils indispensables ?

Une clé à molette.
Un palan à chaîne.
Un tournevis.


Fragilité de certains matériaux

Le bronze utilisé pour les cloches est l’airain. Riche en étain, choisi pour la qualité du son, c’est un matériau dur, mais très cassant. Il peut s’ébrécher. « Il est difficile d’anticiper l’usure d’une cloche. On s’aperçoit d’une fêlure quand elle sonne. Il faut essayer de repérer les risques lors de contrôles périodiques, faire des essais pour définir les urgences en matière de préservation du patrimoine et de sécurité », poursuit Paul Bergamo. Fondeurs et campanistes travaillent à 85 % pour des édifices religieux, mais aussi sur des bâtiments civils (mairies), des châteaux, des maisons privées, en France et à l’étranger. Ce sont des métiers pour lesquels il n’existe pas de formation spécifique. « Tout n’est pas écrit ni codifié, en tout cas beaucoup moins que dans le domaine de l’industrie, par exemple, souligne Alexandre Gougeon. Il y a des règles de bonnes pratiques, mais c’est tout. Le plus souvent, c’est une histoire de transmission familiale. Nous avons aussi des gens qui entrent dans cet univers par leur spécialité, en horlogerie, en électronique… et qui découvrent ensuite l’éventail des métiers que notre profession recouvre. »

Pesant jusqu’à 4 tonnes, les 8 cloches du beffroi nord ont nécessité l’intervention de nombreux campanistes pour être déplacées en toute sécurité.

Pesant jusqu’à 4 tonnes, les 8 cloches du beffroi nord ont nécessité l’intervention de nombreux campanistes pour être déplacées en toute sécurité. © David Bordes/RNDP

Membre du Groupement des installateurs d’horlogerie d’édifices et d’équipements campanaires (GIHEC), Gougeon a effectué cet été, avec ses 4 co-traitants, la repose des 8 cloches de la tour nord de Notre-Dame. Après les avoir hissées dans le beffroi, restauré entre-temps, à l’aide de chaînes et de treuils, les campanistes ont procédé à la motorisation – deux moteurs permettent de balancer et de frapper chaque cloche – et enfin, à la remise en sonnerie. Un travail de longue haleine qui permettra, le 8 décembre prochain, de les entendre de nouveau résonner.


La chronique a été générée aussi sérieusement que possible. Dans la mesure où vous désirez mettre à disposition des renseignements supplémentaires à cet article sur le sujet « Découverte de paris » vous pouvez utiliser les contacts affichés sur notre site web. Le but de aquarelleparis.fr est de débattre de Découverte de paris dans la transparence en vous donnant la visibilité de tout ce qui est mis en ligne sur ce thème sur le net Cet article, qui traite du thème « Découverte de paris », vous est volontairement proposé par aquarelleparis.fr. Connectez-vous sur notre site internet aquarelleparis.fr et nos réseaux sociaux pour être informé des prochaines publications.