Le relais de la flamme, qui n’existait pas dans les Jeux de l’Antiquité, a été inventé par les nazis en 1936. Un héritage lourd mais qui porte désormais des valeurs mobilisant les mouvements sportifs et associatifs.
Le comité d’organisation de Paris 2024 aime user des symboles forts dont regorge notre patrimoine. Et il aurait tort de s’en priver. Quand le Belem entrera dans le Vieux Port de Marseille, ce 8 mai, avec à son bord la précieuse flamme allumée à Olympie, l’image prendra place dans cette catégorie qui vient flatter nos émotions.
Car le dernier grand voilier français du XIXe siècle a été mis à l’eau à Nantes en 1896, l’année même où Coubertin exhumait les JO des profondeurs de l’histoire. Le Belem a connu mille vies depuis – yacht britannique, navire école italien – échappant de peu en 1902 à l’éruption de la Montagne Pelée et parvenant toujours à renaître de ses cendres.
La flamme brûlait pour les dieux à Olympie
La flamme qu’il débarquera en Provence, comme une nouvelle forme de libération, brille d’un même éclat immortel. Elle n’a pourtant rien de séculaire si l’on songe que la vasque olympique n’existait pas dans les Jeux de l’Antiquité. « Le feu qui brûlait dans le sanctuaire religieux d’Olympie était surtout allumé pour les cérémonies de sacrifices en honneur des dieux qui accompagnaient les épreuves », rappelle Eric Perrin Saminadayar, professeur d’histoire et spécialiste de la Grèce antique à l’université Paul-Valéry.
Sécurité : 6000 policiers mobilisés à Marseille
Premier moment très fort de ces Jeux, le relais va mobiliser sur le territoire français 11 000 porteurs et porteuses sur 12 000 km, à travers 400 villes et pendant 68jours. Il risque aussi d’être la cible de manifestations en tous genres sur fond de fronde sociale et de revendications. Dans ce contexte, le dispositif de sécurité subira là un premier test forcément très scruté.
Dès ce mercredi, à Marseille, 6 000 membres des forces de l’ordre seront déployées pour sécuriser l’arrivée de la flamme. En comptant les agents de la Ville de Marseille mobilisés (marins-pompiers, personnels de sécurité, policiers municipaux…), ce dispositif dépassera même celui mis en place dans la deuxième ville de France en septembre 2023 pour la visite du pape François, qui avait été alors qualifié de « hors normes ». Policiers du Raid, démineurs, brigades nautiques, dispositif anti-drones seront déployés. Concernant la parade du Belem dans la rade de Marseille, le millier de bateaux inscrits auront tous été inspectés et déminés.
Le ministère de l’Intérieur parle d’une « bulle de sécurité » qui garantit « le bon déroulement du relais ». Les policiers concernés se sont entraînés au camp militaire de Carpiagne, près de Marseille. Concernant l’arrivée de la flamme dans l’Hérault, le 13 mai, la Préfecture communiquera ce mardi sur son dispositif de sécurité.
« Chez les Grecs, les concours étaient annoncés par des spondophores qui allaient dans toutes les cités, sorte d’ambassadeurs sacrés, explique encore le Montpelliérain. Mais cette fonction de la flamme qui voyage à travers le monde n’existait pas ».
La flamme, une invention moderne des Hollandais
Ce feu sacré qui annonce les Jeux Olympiques et transmet un message de paix et d’amitié aux peuples est bien une invention liée aux Jeux modernes mais celles des Hollandais, les premiers à installer une vasque pendant la totalité des JO. Pour cette édition de 1928, à Amsterdam, flamme rima avec femmes, acceptées pour la première fois sur les épreuves d’athlétisme
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Une lueur d’espoir surtout désirée par l’architecte Jan Wils, chargé de la construction du stade olympique, et qui voulait que la ville entière puisse voir que les Jeux battaient leur plein.
Hitler s’inspire des courses au flambeau antiques
Le relais olympique, lui, verra le jour huit ans plus tard, pas vraiment à l’initiative d’un dieu mais plutôt du Diable en personne : Adolf Hitler. Pour ses Jeux de Berlin, le Führer souhaitait sur une idée de l’universitaire et ancien athlète Carl Diem, s’inspirer d’une autre source antique : des courses au flambeau de jeunes gens organisées dans les cités grecques, principalement en l’honneur de divinité du feu (Prométhée, Héphaïstos)… mais pas à Olympie.
En 1936, 3 422 porteurs relièrent ainsi Olympie et Berlin, parcourant chacun un kilomètre à l’ombre de la croix gammée, en portant une torche fabriquée par Krupp, plus célèbre pour sa production d’armements.
« Aujourd’hui, le relais a une tout autre dimension »
Sans forcément faire preuve d’amnésie sélective, le mouvement olympique se garde bien de mettre en avant les sombres origines de ce relais qui s’est auréolé d’autres valeurs au fil des olympiades.
« Les Nazis ont fait appel à certains fondamentaux et l’héritage est lourd à porter, reconnaît le sociologue du sport Patrick Mignon. On n’hérite pas là de quelque chose qui a eu lieu dans la Grèce Antique. La réalité c’est qu’après Coubertin, chaque organisation a mis son grain de sel pour réinventer la place qu’elle voulait occuper. Aujourd’hui, le relais mobilise des sportifs à la retraite, le mouvement associatif et sportif, l’éducation, l’émulation, ce qui est au cœur de l’olympisme. Une dimension tout autre. »
Du 13 au 19 mai en Occitanie
Avant d’entrer dans le Vieux-Port, le Belem paradera dans toute la rade de Marseille et sera accompagné de 1 024 bateaux. Après deux journées de festivités sur Marseille les 8 et 9 mai, le relais de la flamme traversera la Provence avant d’entrer en Occitanie.
Le 13 mai, Millau, Sète et Montpellier, ville étape, seront traversées. Le 15 mai, la flamme sera autour de Perpignan, le 16 mai dans l’Aude, avant de prendre la direction de l’ex-région Midi-Pyrénées jusqu’au 19 mai. La flamme visitera les plus grands monuments historiques du pays et arrivera à Paris le 14 juillet avant de parader en Île-de-France jusqu’au 26 juillet, date de la cérémonie d’ouverture.
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