Il y a 100 ans, les monuments aux morts fleurissaient partout en France, voici leur histoire

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Correspondance, Nicolas MONTARD.

Le monument aux morts est le lieu de mémoire par excellence de la Première Guerre mondiale. Ce samedi, des cérémonies commémoratives ont été organisées partout en France, à l’occasion de l’Armistice du 11 novembre 1918, près de ces lieux. Aujourd’hui, il y a plus de 40 000 monuments aux morts disséminés dans tout le pays et, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ils sont tous différents les uns des autres et racontent à la fois une histoire nationale et locale.

Il se situe au bord de la route qui mène de Villers-sur-Mer à Houlgate, sur la magnifique côte fleurie normande. Sur cet obélisque, un soldat bleu pétant, les bras croisés, le menton relevé, semble réfléchir en regardant vers l’horizon. Au-dessus, un drapeau français en berne et l’inscription « Auberville à ses enfants morts pour la France 1914-1918 ». En dessous, une palme enserre en partie une plaque d’une quinzaine de noms : C. Boudet 1914 ; L. Marie 1916 ; A. Plantheureux 1916 ; A. Lecornichon 1917…

Le monument aux morts. Avec la mairie, l’église et le cimetière, il semble être un classique de nos bourgs, un élément quotidien de notre paysage. C’est plus qu’une impression. Si le décompte est difficile parce qu’il peut y en avoir plusieurs par bourg (érigés dans une église, par des corps de métiers, des écoles, etc.), on estime que 90 % des communes françaises possèdent un monument aux morts. Même s’il y en a bien plus que 35 000, note Martine Aubry, ingénieure de recherche à l’Université de Lille, à l’origine d’une impressionnante base de données sur le sujet : « Pour 14-18, nous en recensons 42 466 en France. »

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Les premiers inaugurés pendant le conflit

Ces monuments, on ne les regarde plus forcément, à l’exception des moments de cérémonies patriotiques. Ils font partie du paysage et pourtant, ils racontent bien des choses. D’abord le rapport aux morts de la guerre. Si on avait déjà eu des monuments aux défunts en 1870-1971, 1914-1918 marque une autre étape, celle de la communalisation. Avec plus de 1,3 million de disparus, chaque bourg ou presque veut célébrer ses combattants et ce même pendant le conflit. Des monuments sont érigés dès 1915 et 1916 à Cuers (Var), Le Bar-sur-Loup (Alpes-Maritimes), Chauvigny (Vienne) et Deauville (Calvados). Des communes éloignées du front. « Dans le nord et dans l’est de la France, on commence à les édifier une fois que la guerre est finie, reprend notre interlocutrice. D’ailleurs, ils sont plus sobres esthétiquement en général, parce que la majeure partie des finances était consacrée à la reconstruction de bourgs rasés. »

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À Lens, dans le Pas-de-Calais, l’héritage minier transparait sur le monument aux morts avec cette entrée de galerie de mine au boisage brisé et ce mineur aux poings serrés. Le Poilu, lui, est résolu et vigilant, mais non exalté par le combat. (Photo : Nicolas Montard)

C’est l’un des enseignements de ces monuments aux morts. Ils présentent à la fois des différences dans la réalisation, le choix du message, les caractéristiques. À Loudeac (Côtes-d’Armor), le Poilu est accompagné d’une femme en costume traditionnel. Sur le littoral, comme à Ouistreham (Calvados), une référence au monde marin est souvent associée. Dans les secteurs miniers, le charbon n’est jamais loin : à Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire), le monument reprend la forme d’une lampe de mineurs, avec des reliefs illustrant le travail au fond et le front. Les monuments aux morts racontent aussi l’histoire des régions. Le monument de Strasbourg représente une mère pleurant ses deux fils au combat. Nus et sans uniformes. L’un est allemand, l’autre français, symbolisant le déchirement de l’Alsace dans ce conflit. D’ailleurs, dans cette région, les monuments affichent plus souvent l’inscription « À nos morts » plutôt qu’« À nos morts glorieux » « morts pour la France », ou « morts pour la patrie », expressions répandues ailleurs dans le pays.

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Choisir les éléments sur catalogue

Inaugurés pour la plupart entre 1920 et 1922, les monuments aux morts sont bien une initiative communale, rappelle Franck David, dans Comprendre le monument aux morts (Codex Éditions). Mais l’État, via les préfets, accompagne leur édification. À la suite d’une loi de 1919, la subvention de l’État peut aller jusqu’à 25 %, le reste étant couvert par des souscriptions publiques. En 1920, des commissions artistiques départementales sont chargées de l’examen de ces projets. Ce qui n’empêche pas des réalisations pour le moins originales. À Ville-en-Tardenois (Marne), un Poilu salue la liste des morts devant une tranchée. Un coq chante devant le soleil, pendant qu’un obus et un crapouillot reposent au pied de ce monument… particulier.

« Les communes pouvaient choisir les éléments sur catalogue », rappelle Martine Aubry. On prenait un obélisque, une colonne ou une pyramide et on y ajoutait un Poilu couché, un coq, le tout selon ses envies, son message et ses finances, certains monuments ayant coûté 1 000 francs… d’autres 500 000. Chaque détail a du sens : les lauriers symbolisent la gloire, le chêne la force, le blé la renaissance, énumère Franck David dans son ouvrage. Une croix de guerre accentue la dimension héroïque, les glaives croisés la défense de la République, le drapeau replié le deuil. Le Poilu peut être grave comme s’il veillait sur les disparus, combattant et triomphant, fauché et blessé, voire mourant… Certains monuments exhalent donc plus le patriotisme, la bravoure, d’autres misent sur les valeurs de la République, quand certains préfèrent évoquer la douleur. Une poignée sont à tendance pacifiste. À Dardilly (Rhône), le haut du monument qui représente une femme protégeant son enfant, indique : « Contre la guerre, à ses victimes, à la fraternité des Peuples ». Celui de Gentioux-Pigerolles (Creuse) porte l’inscription « Maudite soit la guerre ».

Certaines communes font aussi appel à des sculpteurs. Originaire de Dieppe, Eugène Bénet a représenté plusieurs centaines de fois son Poilu victorieux, palme et couronne de laurier dans une main, fusil dans l’autre, masque à gaz en bandoulière. Idem pour Étienne Camus, qui, lui, est reconnaissable par son Poilu au repos, mains appuyées sur le canon au repos.

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« Morte de chagrin »

Ainsi, le monument aux morts, abondamment représenté sur les cartes postales après-guerre, raconte aussi une genèse locale, tel un livre de pierre de ce que pensait la commune à ce moment-là. Dans la Marne, analyse l’historien Alexandre Niess, les villes de gauche avaient plutôt tendance à édifier leurs monuments près d’un symbole républicain comme l’école ou la mairie, celles de droite se rapprochaient de l’église ou du cimetière. Mais dans tous les cas, ces monuments sont la plupart du temps centraux dans la géographie communale. L’espace où il repose est d’ailleurs marqué, délimité par des gravillons, des murs, de la végétation, voire des obus ou fûts de canons. Ils permettent de lire aussi les destins tragiques.

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Original, ce monument aux morts de Saint-Rémy-de-Provence reprend la forme d’un rocher, hommage aux Alpilles environnantes. La veuve et l’enfant symbolisent le deuil. (Photo : Nicolas Montard)

Dans la Creuse, à la Forêt du Temple, un monument aux morts affiche trois garçons d’une même famille, Fernand, René et Maurice Bujardet. Dessous, le patronyme de leur mère, Emma, « morte de chagrin ». Le monument aux morts, qui au fil des autres conflits intègre les morts de 39-45, voire d’Indochine ou de l’Algérie, joue parfois avec le paysage. « À Laruns, dans la vallée d’Ossau, le Poilu du monument semble descendre tout droit de la montagne, rejoignant la vallée comme tant de bergers en retour d’estives. Et quand les habitants regardent le monument, ils ont en arrière-plan ce paysage qui est le leur, celui aussi de ceux qui ne sont pas rentrés », écrit Franck David dans Comprendre le monument aux morts.

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Des monuments qui ont la bougeotte

Étonnamment, certaines communes n’ont pas de monument aux morts. Les raisons sont différentes : pas de morts dans la commune, des finances insuffisantes, une petite plaque discrète qui fait office dans l’église ou la mairie… Parfois, c’est tout simplement parce que la commune n’existait pas. Mais on peut toujours y remédier. S’il existait des monuments aux morts dans les arrondissements, Paris n’avait pas de monument général rendant hommage aux 94 415 Parisiens morts au combat et des 8 000 disparus. En 2018, les édiles de la capitale ont inauguré un monument de 280 mètres de long boulevard Ménilmontant.

D’autres monuments ont parfois eu la bougeotte. L’un de ceux de Lyon vient… d’Oran (Algérie). Il a été déplacé à la fin des années 1960 dans le quartier de la Duchère, où près de la moitié de la population étaient des rapatriés d’Algérie. En Bretagne, en 2017, la municipalité de Saint-Malo a célébré le cinquantième anniversaire de la fusion de Saint-Malo, Paramé et Saint-Servan, en regroupant les trois monuments aux morts sur une même place.

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