« Frank Horvat. Paris, le monde, la mode » au Jeu de Paume : d’émouvants tirages inédits de cet acteur majeur de la photographie

, « Frank Horvat. Paris, le monde, la mode » au Jeu de Paume : d’émouvants tirages inédits de cet acteur majeur de la photographie

Le Jeu de Paume présente la plus grande exposition consacrée au photographe Frank Horvat depuis son décès en octobre 2020. 170 tirages et 70 documents d’archives personnelles retracent les quinze premières années de la carrière du photoreporter au photographe de mode

Des images emblématiques, des photographies moins connues ou inédites en noir et blanc, des revues de mode et des documents d’époque apportent un éclairage sur la démarche du photographe dans le contexte de l’évolution de la presse illustrée et de la photographie de mode. L’exposition Frank Horvat. Paris, le monde, la mode souligne les points communs entre son œuvre de photoreporter et son travail pour la mode.

Un très bel hommage à celui qui se qualifiait comme « le moins connu des photographes célèbres » !

L’exposition s’ouvre avec une première salle retraçant son parcours : Francesco Horvat naît en 1928 en Italie dans le contexte du fascisme. Ses parents médecins juifs se séparent : son père fuit en Yougoslavie puis en Hongrie. Sa mère se réfugie en Suisse « Au lendemain de la guerre, comme beaucoup, il rêve de voir le monde, de témoigner et décide d’être photoreporter » explique Virginie Chardin, la commissaire d’exposition « son parcours démarre à Milan où il obtient assez rapidement des parutions ». Dans l’hebdomadaire italien Epoca, il publie ses premiers sujets en 1951. « Ce qui est très émouvant, c’est que l’on a retrouvé intacts tous ses documents personnels de l’époque, dont son cahier sur lequel il collait ses premières parutions probablement pour montrer son travail. Fort de ses premières parutions italiennes, il se rend à Paris montrer son travail à Cartier-Bresson qui lui conseille d’acheter un Leica et de faire un voyage ».

Il part alors au Pakistan. En 1952, à Lahore, Frank Horvat se rend dans le « quartier rouge » de Hira Mandi, lieu de prostitution mais aussi d’une importante fête annuelle où des jeunes filles, exceptionnellement dévoilées et parées, dansent et sont exposées au regard des hommes, ceux-ci obtenant le droit de s’entretenir avec les familles en vue d’une rencontre ou d’un mariage. « Seul occidental à rentrer dans ce lieu », il photographie cet événement ainsi qu’un mariage au cours duquel le fiancé découvre dans un miroir le visage de sa promise. En les regardant, on est happé par l’intensité des regards que le photographe à su capturer dans ces photos.


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© Fournis par franceinfo Cms-ContentHasMedia_6927421

De retour en Europe, il s’installe à Londres où il poursuit sa carrière de photoreporter, en travaillant pour l’agence Black Star de New York. Les Anglais lui inspirent des images humoristiques, voire ironiques, où « le guindé » côtoie l’excentrique. Il les recadre pour des effets de gros plan, accentue le grain de ses tirages et réalise des montages. Cette section rassemble des tirages sur le Boxing Club, le métro ou le quartier cockney de Lambeth dans la banlieue de Londres. On s’arrêtera devant l’une d’entre elles, montrant un combat de boxe entre deux enfants, puissante de réalisme.

Fin 1955, le photographe s’installe à Paris « pour ne plus jamais en repartir » Le magazine Réalités lui commande en 1956 un sujet sur le proxénétisme. Il explore de nuit ou de jour les rues et cafés de Pigalle, la rue Saint-Denis et les allées du bois de Boulogne. On a ainsi la chance d’observer 10 tirages de cette série, dont 6 d’époque de Georges Fèvre, dont « certains d’entre eux sont montrés pour la première fois ».


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© Fournis par franceinfo Cms-ContentHasMedia_6927496

Ses déambulations dans Paris le conduisent à acquérir un téléobjectif : il expérimente des vues en hauteur, surplombant monuments et carrefours où la foule et les véhicules s’entremêlent. Il s’intéresse aux jeux graphiques que dessinent les enseignes, le mobilier urbain, les toits et « il se rend compte que cela donne des images très intéressantes sur la ville elle-même » souligne Virginie Chardin.

Se postant au milieu de la foule, il capte des gros plans de visages ou se baisse à hauteur d’enfant. Il montre ses images à Romeo Martinez, rédacteur en chef de la revue Camera, qui leur consacre un article et les expose à la première Biennale de la photographie de Venise. « C’est quelque chose qui l’a fait reconnaître comme un auteur à part entière » et lui vaut des interviews et portfolios dans les revues internationales de photographie et aussi d’être exposé aux côtés d’auteurs comme Peter Keetman ou William Klein.


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Cette section met à l’honneur une série réalisée au cabaret Le Sphinx, place Pigalle, en 1956. À la demande d’un « men’s magazine » américain sur le Paris by night, le photographe s’immisce dans cette boîte de strip-tease fréquentée par des touristes ou provinciaux. Il s’assure, en coulisse, la participation complice, amusée des stripteaseuses. « Il a pris cette série en seulement deux heures. Après les coulisses, il filme la scène et on voit qu’il se focalise, non pas sur les femmes mais sur le monsieur dans sa solitude de voyeur ». Il y a un renversement des rôles, les femmes deviennent maîtres du spectacle et les hommes sont saisis dans leur sidération » explique encore la commissaire.


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Cette série lui vaut des commandes de Jours de France pour une rubrique « Soirées de Paris » avec des sujets sur Françoise Sagan et Bernard Buffet au théâtre des Champs-Élysées, un défilé Chanel, les spectateurs du Lido et des Folies Bergère.

Si le photojournalisme montre les choses telles qu’elles sont, la photo de mode les montre comme on voudrait qu’elles soient.

Franck Horvat

Chronique de mes appareils photo, manuscrit non daté

Ayant vu ses images de Paris au téléobjectif, William Klein le présente au directeur artistique de Jardin des Modes. Jacques Moutin lui propose de transposer le style de ses vues parisiennes dans des images de mode. Le photographe accepte, à condition de pouvoir travailler au Leica et en lumière naturelle. On admire sa série de photographies au Chien qui fume, un café des Halles dont celle de la mannequin Tan Arnold dans une pose élégante mais naturelle, au comptoir d’un zinc, sans lumière artificielle, qui deviendra une œuvre emblématique de son style. Il réalise aussi celle qui deviendra de loin sa photographie la plus célèbre et la plus diffusée : une femme dont on n’aperçoit que les yeux sous un impressionnant chapeau Givenchy, avec, derrière elle, un groupe d’hommes de dos observant aux jumelles une course de chevaux imaginaire {en Une de l’article].


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La fraîcheur de ses images fait sensation et la revue Elle, dont le directeur artistique est alors Peter Knapp, est sensible aux poses naturelles et libres de ses modèles. Les photographies de Nico (future chanteuse du groupe Velvet Underground) au bois de Boulogne, d’Anna Karina (future actrice pour Jean-Luc Godard) aux Halles, et de Monique Dutto au milieu des passants, publiées par Jours de France en 1959, s’inscrivent dans la même veine. Frank Horvat devient le représentant d’un « style reportage » dans la mode et la revue Magnum le montre en couverture photographiant un mannequin avec son Leica.

Pour leur première collaboration, Vogue anglais publie en 1960 une série en studio. Les mannequins y posent sur un fond uni, avec des instruments de musique, animaux empaillés, statues…

Puis il est engagé par Marvin Israel à Harper’s Bazaar, l’une des plus prestigieuses revues de mode. En Italie, il fait poser Deborah Dixon au milieu de groupes d’hommes ou avec des écrivains, artistes, intellectuels. C’est une idée qu’il reprend dans le numéro d’automne 1962, cette fois-ci à Paris et avec des mondaines ou intellectuelles célèbres où « il leur demande d’exprimer leur personnalité ».


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En 1962, le magazine de reportage Revue, basé à Munich, lui propose de faire un tour du monde pour un sujet sur des grandes villes non européennes. Frank Horvat « qui est quelqu’un qui se remet en question sans arrêt » souligne la commissaire, accepte, à condition d’avoir carte blanche et de pouvoir montrer l’intégralité de son travail à son retour. Dans ce voyage, il laisse libre cours à une recherche personnelle où l’échange des regards devient de plus en plus récurrent comme dans cette série de Calcutta, prise un soir de Noël dans un bar à marins, d’hôtesses ou prostituées anglo-indiennes ivres et épuisées… « C’est un peu son champs du cygne dans le domaine du reportage » conclut la commissaire d’exposition.

Ces tirages sommeilleront dans des boîtes et Frank Horvat n’effectuera quasiment plus de reportages pour la presse. Quarante ans plus tard, il rassemblera dans un livre autoédité les images et textes de ce tour du monde. D’où l’importance de s’arrêter devant ces tirages d’époque de Jules Steinmetz, qui sont pour une majorité inédits.


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Exposition « Frank Horvat » au Jeu De Paume. 1, place de la Concorde. 75001 Paris. www.jeudepaume.org du mardi au dimanche de 11h à 19h.

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