Bleu saphir, rose fuchsia, jaune poussin… C’est d’abord par ses couleurs franches et explosives que l’artiste Enfant Précoce (né en 1989) attire notre regard sur ses toiles monumentales. Comme une envie irrépressible, et un peu régressive, de plonger la main dans un sac de bonbecs ! On s’approche ensuite pour admirer de plus près la myriade de personnages, aux yeux en amande qui prennent plus de place que les monuments qui les entourent : ici le Sacré-Cœur, là-bas l’Arc de Triomphe. L’échelle est inversée, comme dans un dessin d’enfant. Mais ce n’est pas innocent !
Pour sa toute première exposition en galerie, l’artiste a voulu mettre en lumière ces hommes et femmes issus des diasporas africaines souvent invisibilisés dans un décor parisien de carte postale : l’agent de sécurité du Louvre, les nounous du square, une auxiliaire de vie dans un appartement des beaux quartiers… « Par la couleur, je leur donne de la valeur », nous explique le peintre au style affirmé, sur la toile comme dans la vie. Lunettes rondes sur le nez et collier de perles autour du cou, rien n’est laissé au hasard pour celui qui souhaite « revendiquer des choses par de la beauté ».
« L’œuvre d’un enfant avec une pensée d’adulte »
Originaire du Cameroun, il grandit dans un milieu privilégié où l’école tient une place importante. À 9 ans, le petit Francis Essoua — de son vrai nom —, est donc envoyé en France pour poursuivre sa brillante scolarité (il saute d’ailleurs deux classes !). Arrivé à Stains, en Seine-Saint-Denis, il prend conscience de sa condition d’homme noir, ici, en banlieue parisienne, où il retrouve avec étonnement des Africains partis comme lui de leur pays. Avec comme bagage l’espoir d’une vie meilleure en Europe, transmis de génération en génération.
Une « route vers le paradis », annonce l’une de ses peintures. Car « beaucoup voient encore la France comme un eldorado », explique-t-il, voire une « Oasis d’Abondance » ainsi que le suggère le titre de son exposition… Lui avance plutôt que la joie se trouve du côté des immigrés au cœur de ses tableaux.
Avec Tata et le vieux et Les Nounous, il rend hommage aux femmes de son entourage employées dans le secteur de l’aide à la personne. Dans Champs Élysées, il met au premier plan un vendeur à la sauvette, majestueux malgré tous ses gadgets. Chaque tableau raconte une histoire faite de ses souvenirs d’enfant mêlés à ses observations actuelles sur le monde. « L’œuvre d’un enfant avec une pensée d’adulte », résume l’artiste.
« Mon oncle m’a dit : ne touche pas plus ta toile. Tu vas lui enlever toute sa force. »
Car Enfant Précoce est né lorsqu’il est devenu grand. À 24 ans, Francis Essoua choisit définitivement sa voie : il sera peintre. Après une carrière de danseur, il marche dans les pas de son oncle, Malam, lui-même artiste plasticien. En 2018, il participe à la Biennale de Dakar et, un an plus tard, fait le buzz grâce aux réseaux sociaux. Assis sur un tabouret, muni d’une pancarte « Exposez-moi », il présente ses tableaux dans les rues de Paris. La performance filmée fait sensation auprès de marques telles qu’Adidas ou Ganni, avec lesquelles il collaborera ensuite. Son identité picturale, séduisante à l’œil, inspirée des peintres naïfs, est en partie stratégique afin d’attirer un public large. Mais cela a parfois ses limites…
Une traversée en mer de migrants sur un bateau de fortune
Lorsqu’il entame la réalisation de sa toile Les Naufragés, il commence par tracer les contours, nets et noirs, de la scène dramatique qu’il a en tête : une traversée en mer de migrants sur un bateau de fortune plein à craquer. Les flots impétueux de la mer, il peut les peindre d’un bleu-gris orage. Mais pour ces dizaines d’hommes et femmes proches de la noyade, il n’arrive pas à trouver le ton juste. « Mon oncle m’a dit : ne touche pas plus ta toile. Tu vas lui enlever toute sa force », se souvient Enfant Précoce, dont l’atelier jouxte celui de son mentor.
« Ce tableau n’est pas fini parce qu’il n’est pas coloré. Et pourtant, il est fini parce qu’il révèle la réalité de ces gens qu’on ignore et que la société méprise. » C’est pourquoi Enfant Précoce l’a choisi pour accueillir le visiteur dès l’entrée de la 193 Gallery. Une toile moins flamboyante que les autres certes, mais qui mérite enfin d’être vue.
Enfant précoce. Oasis d’Abondance
Du 2 mars 2024 au 27 avril 2024
193 Gallery • 24 Rue Béranger • 75003 Paris
www.193gallery.com
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