Sous les pavés, une cité des morts… S’il est bien connu que Lutèce possédait plusieurs nécropoles, on ignorait jusque-là que la plus importante d’entre elles, qui se développait au sud de la ville antique le long du cardo maximus (actuelle rue Saint-Jacques), avait encore des secrets à livrer.. 50 sépultures d’hommes, de femmes et d’enfants, datées entre le IIe et le IIIe siècles, viennent d’être mises au jour à Paris par les archéologues de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) au niveau de la station Port-Royal du RER B. Leur mobilier funéraire, qui comprenait notamment de nombreuses paires de chaussures, nous transporte dans le quotidien des Parisii du Haut Empire.
La plus grande cité des morts de Lutèce
La RATP a entrepris de créer une nouvelle sortie pour les usagers du RER B à la station Port-Royal. Or, on sait que le secteur possède un fort potentiel archéologique, depuis que les travaux haussmanniens au XIXe siècle ont mis au jour une partie de la nécropole sud de l’ancienne Lutèce. L’archéologue Théodore Vacquer (1824-1899) avait alors exhumé plus de 400 tombes contenant un important matériel funéraire, déposé pour partie dans les collections du musée Carnavalet.
Vue générale de la fouille du boulevard Port-Royal à Paris, en 2023. Les sépultures d’une grande nécropole, implantée au sud de Lutèce au IIe siècle ap. J.-C., ont été mises au jour.
© Camille Colonna, Inrap
Des sondages, réalisés par le Service d’archéologie régional, ont confirmé la présence de squelettes sous la parcelle concernée ouvrant la voie à une fouille de sauvetage. Celle-ci a été menée par l’Inrap, du 3 mars au 28 avril 2023, sur une parcelle d’environ 200 m2 au niveau du boulevard du Port-Royal et a donc permis « de repousser la limite ouest supposée de cette nécropole de la nécropole sud de Lutèce », comme l’explique Camille Colonna, archéologue et anthropologue en charge du chantier.
Vue générale de la fouille du boulevard Port-Royal à Paris, en 2023. Les sépultures d’une grande nécropole, implantée au sud de Lutèce au IIe siècle ap. J.-C., ont été mises au jour.
©Anne-Sophie Lesage-Münch
Les 50 tombes découvertes témoignent tout d’abord du principe d’organisation assez complexe des « cités des morts » antiques. Il ne faut pas s’imaginer des nécropoles bien ordonnées comme nos actuels cimetières, mais bien davantage des regroupements de sépultures, sans orientation privilégiée et organisées par noyaux, peut-être familiaux. Quand une nouvelle fosse empiétait sur une précédente, les ossements étaient soigneusement déplacés pour laisser place au nouveau défunt.
Des chaussures pour l’éternité
Hommes, femmes et enfants, issus de toutes les classes sociales, les défunts ont tous été ici inhumés en cercueil, alors qu’à l’époque cette pratique coexistait avec l’incinération. La moitié d’entre eux étaient accompagnés d’un mobilier funéraire varié : récipients en céramique (tasses, gobelets, cruches ou plat…) ou en verre (balsamaire, lacrymatoire, verres…).
Huit céramiques déposées au niveau des pieds de l’individu d’une sépulture de la fouille du boulevard Port-Royal à Paris, en 2023. Les sépultures d’une grande nécropole, implantée au sud de Lutèce au IIe siècle de notre ère, ont été mises au jour.
© Gwenaëlle Desforges, Inrap
De nombreuses traces d’éléments d’habillement ont aussi été retrouvées, parmi lesquelles des empreintes et des clous de chaussures, déposées en nombre dans les sépultures en guise d’offrandes ou peut-être pour accompagner simplement le défunt dans l’autre vie. Non moins intéressante est la mise au jour d’une « fosse à offrandes », dans laquelle se trouvaient le squelette d’un porc entier, ceux d’un autre petit animal et deux récipients entiers en céramique.
Vue générale de la fouille du boulevard Port-Royal à Paris, en 2023. Les sépultures d’une grande nécropole, implantée au sud de Lutèce au IIe siècle de notre ère, ont été mises au jour.
© Cécile Olivier, Inrap
L’ensemble des dépouilles et du matériel prélevé a été transféré au centre de recherches archéologiques de l’Inrap où les vestiges seront étudiés durant deux ans afin de préciser notamment les datations des sépultures ou encore pour mieux comprendre le principe d’organisation de la nécropole.
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