Si le préfet de région délivre l’autorisation de travaux pour le projet de nouveaux vitraux contemporains, cette association de défense du patrimoine est prête à déposer un recours devant le tribunal administratif de Paris.
Depuis la nomination de l’artiste Claire Tabouret, chargée de créer six grandes baies pour les chapelles sud de la cathédrale Notre-Dame de Paris, l’opposition des défenseurs du patrimoine s’intensifie. Alors que la ministre de la Culture Rachida Dati dénonce lundi « des querelles d’un autre âge entre des “anciens” et des “modernes” », l’association Sites et Monuments prend le sujet très au sérieux et prévoit de déposer un recours devant le tribunal administratif de Paris.
La querelle des vitraux
La querelle des vitraux remonte au mois de décembre 2023. Après une visite de chantier, Emmanuel Macron annonce le principe d’un concours pour des baies de la cathédrale, avec le soutien de l’archevêque de Paris. Tous deux sont déterminés à « faire entrer le XXIe siècle » dans Notre-Dame. Dès le lendemain, une vague de protestation commence à déferler. Portée par les conservateurs du patrimoine, cette fronde n’a jamais cessé.
Quels sont les vitraux concernés ?
Les six grandes baies devraient prendre place dans les chapelles sud de la cathédrale Notre-Dame de Paris, sur une surface de 121 m², actuellement occupée par des vitraux du XIXe siècle de l’architecte Viollet-le-Duc. « Depuis cent cinquante ans, son œuvre d’architecte est en procès. En cause ? Sa propension à “compléter” les monuments confiés à sa garde, pour leur rendre leur cohérence stylistique, quitte à laisser parfois son imagination prendre le pas sur sa raison », écrit François-Joseph Ambroselli dans un article publié par Le Figaro Hors-Série . Pour Julien Lacaze, président de l’association qui souhaite déposer un recours en justice pour bloquer le projet, « c’est en 1979 à Paris, lors de l’exposition célébrant le centenaire de la mort de Viollet-Le-Duc, qu’on a pris conscience de son œuvre. Ce n’était pas seulement un restaurateur. C’était un génie ». Le problème, parce qu’il y a visiblement un pour Julien Lacaze ? « C’est que les politiques et les ecclésiastiques ont toujours eu du mépris pour le patrimoine du XIXe siècle », ajoute-t-il.
Pourquoi le projet est-il contesté ?
L’annonce du projet d’installation de vitraux contemporains dans Notre-Dame a immédiatement provoqué une levée de boucliers de la part des défenseurs du patrimoine. Mise en ligne en décembre 2023 par le site La Tribune de l’art, une pétition dénonçant «un manque d’égard pour le code du patrimoine» et pour la cathédrale, enregistre aujourd’hui près de 260 000 signatures. « Les vitraux n’avaient pas été touchés par l’incendie et sont classés monument historique au même titre que le monument », explique l’instigateur de la pétition, Didier Rykner, fondateur et animateur du site. « Les vitraux de Notre-Dame conçus par Viollet-le-Duc l’ont été comme un ensemble cohérent. Il s’agit d’une véritable création que l’architecte a voulu fidèle à l’origine gothique de la cathédrale. (…) Il y a ici une recherche d’unité architecturale et de hiérarchisation de l’espace qui fait partie intégrante de son œuvre et que les travaux avaient notamment pour but de retrouver », ajoute-t-il.
Constatant la convergence « des opinions publiques et savantes » sur le sujet, l’association Sites et Monuments décide de préparer un recours en justice en novembre 2024 pour tenter de bloquer le sujet. « Les procès sont notre spécialité », souligne Julien Lacaze, président de l’association. Depuis 1901, Sites et Monuments œuvre pour la défense juridique du patrimoine et soutient des centaines de recours, notamment contre des projets éoliens. L’association est d’ailleurs membre de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA) qui a donné un avis défavorable au projet. En tant qu’association reconnue d’utilité publique, 10 000 euros de subventions lui sont versés tous les ans par le ministère de la Culture. Julien Lacaze précise que « cette somme est directement reversée aux lauréats de nos prix ». «On ne veut pas dépendre du ministère », complète-t-il, soucieux de l’indépendance de cette association.
Quels sont les arguments juridiques ?
La Commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA) a rejeté à l’unanimité le projet le 11 juillet 2024. « À l’unanimité ! Ça n’arrive quasiment jamais », insiste Julien Lacaze. Mais Emmanuel Macron ayant décidé de passer outre, huit projets ont été retenus par un comité artistique présidé par Bernard Blistène, ancien directeur du Musée national d’art moderne au Centre Pompidou. Le 18 décembre, l’artiste française de 43 ans Claire Tabouret a été choisie mercredi pour ce projet aussi colossal que contesté.
L’avis de la CNPA et la violation de la charte de Venise seront les principaux arguments de l’association dans son recours devant le tribunal administratif de Paris. Julien Lacaze espère ainsi que le tribunal fondera sa décision sur l’avis de la CNPA pour justifier une erreur manifeste d’appréciation du ministère de la Culture. Aussi, « cette erreur manifeste va contre la charte de Venise, qui est reconnue mondialement », souligne-t-il. La charte recommande notamment de respecter, lors d’une restauration, « les apports valables de toutes les époques », selon l’article 11, et « l’œuvre d’Eugène Viollet-Le-Duc constitue évidemment un apport valable. Comme le montre la superbe restauration des peintures murales des chapelles de Notre-Dame » ajoute Julien Lacaze.« On peut apporter des compléments à un monument à partir du moment où on ne porte pas atteinte à la composition d’ensemble. »
La sélection de Claire Tabouret
La nomination le 18 décembre de la peintre française n’a fait que raviver les oppositions autour de ce projet. À ce sujet, l’artiste élue a simplement déclaré que « le débat ne (lui) faisait pas peur ». « Nous sommes dans un pays qui montre un réel intérêt pour l’histoire de l’art, ce qui est un bon signe », se félicite même l’artiste qui devrait quitter Los Angeles, où elle réside, pour s’installer à Paris et démarrer sa grande œuvre en lien avec les ateliers Simon-Marq. Pour Julien Lacaze, la nomination de Claire Tabouret « est contraire au personnage de Viollet-Le-Duc». « Il est arrivé sur le chantier à 29 ans et n’a pas fait les beaux-arts. Claire Tabouret a 43 ans, elle a un parcours académique », explique-t-il. Elle propose de garder le cadre des vitraux de Viollet-Le-Duc, c’est une sorte de reproduction tout en les vidant. Il y a une hésitation, il y a un malaise, c’est bancal et absurde ».
Quelles sont les motivations de ce recours ?
« Nous ne sommes pas contre la création contemporaine. Notamment pour les verrières des tours de la cathédrale, restées blanches. L’art contemporain a sa place. Mais il faut que ce soit en plus et pas en moins , avance encore Julien Lacaze. La convergence de l’opinion publique et savante est inédite. Il y a un attachement au 19e siècle. Notre volonté est de profiter de cette exposition pour faire entrer le 19e siècle par la grande porte dans notre patrimoine. Il y a toujours eu un mépris pour cette période ».
En 2021, Mgr Laurent Ulrich était archevêque du diocèse de Lille. Cette année-là, la chapelle Saint-Joseph, édifiée au XIXe siècle, a été détruite pour la construction d’une partie du nouveau campus de l’école d’ingénieurs Junia. L’association Urgences patrimoine avait tenté de bloquer le projet de démolition. En vain. Une pétition mise en ligne par l’association avait recueilli plus de 12 000 signatures.
Quel est le calendrier de la procédure ?
« Pour modifier un monument historique, le préfet doit délivrer une autorisation de travaux, l’équivalent d’un permis de construire. Cet acte sera affiché sur le terrain et attaquable dans les deux mois. Si l’autorisation est refusée par le préfet d’Île-de-France, il y a peu de chances, au vu des pressions, que les vitraux se fassent », conclut le responsable de l’association Sites et Monuments qui espère désormais que la préfecture puisse entendre ses arguments.
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