Paris. Une corniche de 700 kg qui menace de se détacher au-dessus d’un atelier à l’automne 2022 ; un morceau de plafond qui tombe dans une salle du premier étage en février 2023. Au cœur de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris (Ensba), le Palais des études se révèle être un colosse aux pieds d’argile. Alertant aussitôt le ministère de la Culture après ces graves incidents, Alexia Fabre, la directrice des Beaux-Arts, reçoit en novembre 2023 le constat réalisé par l’agence de l’architecte en chef des Monuments historiques François Chatillon sur le grand édifice du XIXe siècle. « Le diagnostic a été bien plus long et bien plus grave que ce à quoi nous nous attendions, résume-t-elle. Il y a des problèmes majeurs d’ordre structurel, dont personne n’avait conscience. » Posé sur le sol meuble et argileux des bords de Seine, le Palais des études affiche une impressionnante déclivité de 15 cm d’un côté à l’autre de ses murs, et nécessite une intervention rapide. « Il n’est plus question de restauration mais de réhabilitation. J’ai même envie de parler d’une “sauvegarde”, du bâtiment comme de ses activités. »
Des tensions dans la structure de l’édifice
Dans le diagnostic patrimonial figure une liste peu rassurante de problématiques jusqu’alors inconnues qui fragilisent le palais construit en plusieurs phases entre 1828 et 1840. Mauvaise surprise, les matériaux utilisés lors de ces différentes phases ne sont pas les mêmes partout, et créent des tensions dans la structure de l’édifice. Sous le palais et ses cours attenantes, des conduites d’évacuation des eaux vétustes ont imbibé d’eau les structures en sous-œuvre : en 2012, une rupture de canalisation au nord du bâtiment avait alerté sur les risques d’effondrement. Les problèmes s’insinuent jusque dans les combles, qui portent des charges beaucoup trop lourdes et enfoncent également le bâtiment.
Ce diagnostic alarmant intervient alors que le précédent schéma directeur a permis un ensemble de restaurations (30 millions d’euros engagés, notamment pour la réfection de l’amphithéâtre d’honneur, du clos et du couvert des bâtiments, mais aussi pour l’accessibilité) – sans toutefois boucler l’ensemble des travaux programmés, faute de budget : les cours affaissées, sur lesquelles le Palais des études est posé, n’ont ainsi pas pu être rénovées. Alors que cette première salve de travaux reste inachevée, ce sont 100 millions d’euros – une estimation « à la louche » de la directrice – que l’Ensba doit trouver pour financer l’ensemble de l’opération du Palais des études, qui comprend, outre les travaux bâtimentaires, le déménagement de la bibliothèque et des nombreuses œuvres logées dans le bâtiment, ainsi que la recherche et la location d’un lieu temporaire pour abriter les activités du palais.
Transformer l’ensemble des contraintes en projet
« Il faut faire en sorte que cette grande contrainte devienne un projet d’avenir», affirme Alexia Fabre. L’Ensba a ainsi fait appel à l’agence de programmation architecturale et d’ingénierie culturelle ABCD pour réorganiser le fonctionnement de l’école en l’adaptant aux contraintes du Palais des études. Le grand chantier à venir pourrait être l’occasion de créer un lieu d’exposition permanente à la hauteur des collections des Beaux-Arts, placées sous le label « Musée de France » en 2017 : ce projet de musée dans l’école était porté par l’ancien directeur Jean-Marc Bustamante (2015-2018).
Pour mener ce chantier à bien, l’école devra trouver un espace pour remplacer le Palais des études le temps des travaux : la mission est d’autant plus complexe que les chantiers d’autres grandes institutions publiques (Centre Pompidou, Conservatoire national supérieur d’art dramatique) mobilisent déjà tous les crédits d’investissement du ministère et que les espaces disponibles dans la capitale sont rares. « C’est le système cœur-poumon de l’école qui va être mis en circulation extra-corporelle, schématise Olivier Blanckart, artiste et professeur aux Beaux-Arts. On nous parle aujourd’hui de deux ou trois ans de travaux, mais officieusement on entend plutôt six. » Si rien n’est fixé pour l’heure, les regards de la direction se tournent hors de Paris, et notamment vers le second campus de l’Ensba à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), près des Puces, pour pallier l’indisponibilité du Palais des études durant les travaux – ceux-ci pourraient commencer à l’automne 2026. La fermeture de la grande verrière du Palais des études [voir illustration] entraînera aussi un manque à gagner douloureux pour l’école : les Beaux-Arts ouvrent à la privatisation événementielle ce lieu unique dans Paris, prisé par les grandes maisons de mode.
Complexité supplémentaire, le sort de l’Ensba mobilise trois directions différentes au ministère de la Culture : la direction générale des Patrimoines et de l’Architecture, la direction générale de la Création artistique et la Délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratisation culturelle. C’est le délégué général de cette dernière, Noël Corbin, qui pilote les réunions.
Déplacer l’École d’architecture ?
Candidat à la direction de l’école en 2012, Olivier Blanckart proposait alors un grand chantier bâtimentaire, projet qu’il ressort aujourd’hui des cartons, espérant susciter un élan politique autour de l’Ensba : « S’il n’y a pas de volonté ministérielle ou présidentielle, il n’y a rien », estime-t-il, imaginant un grand chantier sur lequel veillerait l’Élysée, à l’instar du château de Villers-Cotterêt (Aisne). « L’école ne peut pas bouger d’endroit, mais elle peut résoudre ses problèmes, pour autant que les tutelles développent une vision stratégique, qui est aujourd’hui déficiente. »
Pour résoudre les problèmes d’espace, temporaires et pérennes, de l’école, le plasticien a d’ailleurs une solution toute trouvée : déplacer l’École nationale supérieure d’architecture Paris-Malaquais, occupante secondaire du site. « Dans Paris, il y a 6 200 places pour étudier l’architecture dans quatre écoles, mais une seule école des beaux-arts pour 600 places. Pourquoi ce reliquat de la cohabitation entre beaux-arts et architecture, séparés administrativement depuis 1972, n’est-il pas résolu ? Quand on explique ce problème, tout le monde regarde ses chaussures… »
De son côté, Alexia Fabre rappelle que la lettre de mission que lui a adressée le ministère de la Culture l’invite à travailler en bonne intelligence avec ses colocataires architectes.
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