Auguste Perret (1874-1954), « c’était un Parisien qui aimait Paris ; qui adorait son caractère, ses traditions, son atmosphère et le style de vie de ses habitants », notait l’historien et architecte Peter Collins. Autant qu’un champ d’activité, la capitale aura été un laboratoire pour l’architecte. Il y perfectionne son système constructif et esthétique, affine la mise en œuvre du béton armé et, enfin, rêve à de nouvelles formes urbaines.
La patte Perret
Comme le remarquait finement l’historien de l’architecture Jean-Louis Cohen, les interventions de Perret à Paris s’apparentent à de « l’acupuncture ». Elles sont en apparence modestes, mais infusent en profondeur, qu’il s’agisse d’immeubles d’habitation ou de programmes publics. Il y a même un Perret fantôme qui hante la ville, celui des œuvres éphémères ou des projets avortés. Réalisés ou non, ses projets parisiens « révèlent une attention fine de Perret à la texture de la capitale, à la configuration de ses terrains, aux lignes de force de ses paysages ».
En témoigne son premier coup d’éclat au 28 bis, rue Franklin (XVIe arrondissement), inattendu après des réalisations assez ordinaires rue Sorbier et rue du Faubourg-Poissonnière. Sur une parcelle acquise par son père – le fondateur de l’entreprise de construction Perret et fils –, Auguste conçoit un projet qui redéfinit le rapport de l’immeuble à la rue. Interprétant à sa manière le règlement de voirie de 1902, il déplace la cour intérieure obligatoire vers l’avant du bâtiment, tandis qu’il imagine, à l’intérieur, une distribution tout à fait originale, rendue possible par l’utilisation d’une ossature en béton armé.
L’ère du béton armé
Cette dernière est au cœur de la pratique de l’entreprise familiale, rebaptisée Perret frères en 1911, qui rassemble Auguste, Gustave et Claude Perret. Tantôt l’ossature s’affiche ostensiblement dans le garage de la rue de Ponthieu (1906), aujourd’hui démoli, ou les Ateliers Esders (1906), eux aussi disparus ; tantôt elle est dissimulée dans une enveloppe monumentale, comme au Théâtre des Champs-Élysées (1913). D’ailleurs, le caractère décisif de cette structure alimente la polémique sur la paternité de l’œuvre entre Henry Van de Velde (1863-1957) et Perret. À la Salle Cortot (1929), en revanche, tout le mérite lui revient.
Bientôt, l’ossature est intégrée à la mise au point d’une grammaire formelle d’essence classique mais adaptée aux caractéristiques du béton armé. Les grands programmes publics, développés par Perret à partir du milieu des années 1920, en constitueront l’expression privilégiée. Paradoxalement, ce sont des constructions provisoires, essentiellement en bois, qui ouvrent ce chapitre majeur de son œuvre : le « Palais de bois » (1924), édifié pour le Salon des Tuileries sur le boulevard Lannes, et le théâtre de l’Exposition internationale des arts décoratifs en 1925. Le système poteau-poutres y manifeste toutes les qualités spatiales que l’on retrouvera dans les bâtiments entrepris au cours de la décennie suivante.
Le nouveau visage bâti de l’État
C’est à cette période que, sollicité par l’État, Perret participe à redéfinir le style de l’architecture publique parisienne, du Service technique des constructions navales, boulevard Balard, au musée des Travaux publics (aujourd’hui Conseil économique, social et environnemental), en passant par le Garde-Meuble du Mobilier national. À chaque fois, en dépit de la radicalité du parti, les constructions trouvent leur place naturelle dans le tissu urbain parisien par leur échelle, leur rythme et leur minéralité.
Aussi remarquables et imposantes soient-elles, ces réalisations justement célèbres font néanmoins pâle figure à côté des projets grandioses restés sur le papier. Dans une veine résolument utopiste, Perret avait imaginé, dans les années 1920, une « couronne » de 100 « maisons-tours » sur l’emprise des anciennes fortifications, autour de la capitale. Cet élan vertical, sous influence américaine, trouve un écho dans le concours pour la basilique Sainte-Jeanne-d’Arc, avec son clocher colossal, qui aurait fait passer l’église du Raincy, oeuvre-phare du maître, pour une miniature. « On m’a dit que deux cent mètres était une hauteur impossible », rappellera Perret pour expliquer son échec.
En 1930, au concours pour l’aménagement de la Porte Maillot, l’architecte voit grand, une fois encore. Deux tours, flanquées de deux bâtiments plus bas, encadrent le débouché de l’avenue de la Grande-Armée. Toutefois, pour tempérer l’apparente rupture, Perret prend soin d’ancrer ses visions dans la longue histoire de l’urbanisme parisien et il place un obélisque, accompagné de deux fontaines, au centre de la composition, dans une référence directe à la place de la Concorde de Jacques Hittorff (1792-1867). Paradoxalement, ses grandes ambitions urbaines se réaliseront à 200 kilomètres en aval de la Seine, lors de la reconstruction du Havre. Un grand œuvre qui synthétise toutes ses recherches, à la fois techniques et esthétiques.
Le Havre reconstruit laisse entrevoir ce qu’aurait pu être le grand dessein avorté de Perret pour la colline de Chaillot. En 1932, dans la perspective de l’Exposition internationale de 1937, le ministère de l’Éducation nationale lui demande un projet pour la reconstruction du Palais du Trocadéro. Dans les mains de Perret, cette commande se mue en une Cité des musées, abritant une dizaine d’institutions, à laquelle il ajoute un théâtre de 10 000 places, dans l’esprit de sa proposition pour le Palais des Soviets à Moscou. La chute du gouvernement en 1934 conduit à l’abandon du projet, mais les idées de Perret continuent d’exercer leur empire souterrain. Ainsi, la suggestion d’une grande terrasse centrale ouvrant sur le Champ-de-Mars et au-delà sera reprise par les concepteurs du nouveau Palais de Chaillot.
Dans sa Contribution à une théorie de l’architecture (1952), Perret avait résumé d’une phrase la qualité et la valeur de ses interventions à Paris : « Celui qui, sans trahir les matériaux et les programmes modernes, aurait produit une œuvre qui semblerait avoir toujours existé, qui en un mot, serait banale, je dis que celui-là pourrait se tenir pour satisfait ».
Colloque international « Auguste Perret 1874-1954. Un anniversaire »
28 novembre à l’Institut de France, 23 quai de Conti, 75006 Paris
et 29 novembre au CESE, 9 place d’Iéna, 75016 Paris
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