Au Moyen Âge, la façade de Notre-Dame de Paris était-elle peinte

, Au Moyen Âge, la façade de Notre-Dame de Paris était-elle peinte

Dans une vidéo de reconstitution historique de Paris partagée en ligne, la cathédrale Notre-Dame de Paris est représentée au Moyen Âge avec une façade peinte.
L’internaute qui relaie les images se réjouit de voir le monument ainsi mis en valeur, conforme à son apparence de l’époque.
Si nous sommes habitués à l’apparence actuelle de l’édifice, les spécialistes confirment que la façade était très colorée à sa construction.

Dans un message qu’il publie sur X, un internaute ne cache pas son enthousiasme. La vidéo qui accompagne cette publication, réalisée en images de synthèse, propose un « superbe et émouvant survol de Paris au Moyen Âge ». De quartier en quartier, on redécouvre la capitale et certains de ses monuments les plus emblématiques. Notre-Dame est évidemment mise à l’honneur, la cathédrale affichant une apparence plus colorée qu’aujourd’hui. L’utilisateur qui partage cette séquence (visionnée un million de fois (nouvelle fenêtre) à ce jour) se réjouit en effet que « la façade peinte » de la cathédrale ait été restituée.

Un monument aux nombreuses couleurs

L’apparence de Notre-Dame de Paris, pour l’immense majorité des Français, est associée aux teintes grises et blanches de la pierre qui la compose, le calcaire lutétien (nouvelle fenêtre). Difficile, au XIXe siècle, d’imaginer une façade de la cathédrale ornée de multiples couleurs. Et pourtant, « on sait désormais que toutes les parties sculptées étaient peintes », glisse à TF1info l’ingénieure Stéphanie Duchêne. Membre du laboratoire de recherche des monuments historiques – placé sous l’égide du ministère de la Culture – elle évolue au sein du pôle « Peinture murale et polychromie ».

Mobilisée dans le cadre du chantier de restauration de la cathédrale, elle a eu l’opportunité de poursuivre les recherches menées depuis plusieurs décennies par ses prédécesseurs. La présence de couleurs sur la façade de l’édifice ? Elle est attestée « grâce à des travaux qui remontent déjà à la fin des années 1960 », note la spécialiste. « À la faveur de travaux de maintenance et de restaurations, on avait constaté que sous la crasse, on retrouvait des vestiges de couleur. Du bleu, des dorures… » Des ensembles « peints et richement colorés » qui ont donné vie aux portails, statues-colonnes, tympans (nouvelle fenêtre) et autres voussures (nouvelle fenêtre).

Au Moyen Âge, imaginez-vous à Time Square ! Un vrai monde de couleurs, les clignotements en moins.

Stéphanie Duchêne, ingénieure au laboratoire de recherche des Monuments historiques

La vidéo relayée en ligne est jugée par l’ingénieure assez fidèle à l’état des connaissances. À ceci près que nous ne possédons pas d’éléments qui accréditent la présence de peinture sur les arêtes des tours de la cathédrale. Pour autant aucun doute : il s’agissait d’un édifice dont la façade était habillée d’intenses couleurs. « Nous disposons maintenant d’une large palette », confie Stéphanie Duchêne, « les vestiges sont ténus, mais on sait que du blanc de plomb était utilisé, tout comme du lapis-lazuli, importé d’Afghanistan pour réaliser un bleu outremer. » Au XIIe siècle, celui-ci « est utilisé sans compter », malgré les dépenses engendrées ou son long transit depuis les confins de l’Orient.

« On aurait pu imaginer une utilisation avec parcimonie, pour des tissus de statues par exemple, mais non ! » Il est notamment employé pour réaliser des arrière-plans, tandis que du vermillon d’Espagne sert, lui, pour le rouge. « On n’a clairement pas que des ocres », poursuit l’experte en polychromie des portails gothiques. S’il est difficile de proposer au grand public des représentations fidèles en images de synthèse, en raison du nombre très mince de vestiges qui ont traversé les siècles, il faut tout de même imaginer une façade lumineuse, sur laquelle les artisans du passé ont réalisé « un gros travail sur la feuille d’or », elle aussi très présente. Des chantiers d’une envergure « monumentale ». Au Moyen Âge, « imaginez-vous à Time Square ! Un vrai monde de couleurs, les clignotements en moins. »

Une prise de conscience tardive

Notre-Dame était-elle un cas isolé ? La couleur était-elle au contraire présente sur de nombreux bâtiments religieux ? « On a de nombreux témoignages de portails de cathédrales peints à travers la France », note Stéphanie Duchêne. « Senlis, Reims, Amiens… En réalité, dès qu’on cherche ces vestiges, on les trouve. » La prise en compte de la polychromie sur les chantiers de restauration se révèle assez récente : « c’est un intérêt qui remonte à une dizaine d’années », constate la scientifique. Longtemps, « la pierre est restée reine, et on faisait peu de cas de ces vestiges de couleur. En vérité, ça n’intéressait pas beaucoup. »

Tout porte aujourd’hui à croire que les églises arboraient de nombreuses couleurs au Moyen Âge. « On voit l’influence des grands monuments sur les églises plus périphériques, notamment en ce qui concerne les sculptures. » Pour autant, « on peine à imaginer que cette inspiration se soit limitée aux styles architecturaux », ce qui signifie qu’il existe une « vraie probabilité » que la couleur ait été généralisée sur les façades des bâtiments religieux. Avec une exécution « sans doute d’une moindre qualité », qui expliquerait le peu d’exemples qui sont parvenus jusqu’à nous.

Lorsqu’elle évoque les façades colorées des cathédrales à des non-initiés, Stéphanie Duchêne observe toujours des réactions pleines d’étonnement. À la faveur de chantiers de restaurations tels que ceux conduits à Notre-Dame, les spécialistes du patrimoine font évoluer notre perception du Moyen Âge. Ils dépeignent une réalité finalement très éloignée de « l’âge sombre », auquel il a longtemps été réduit.

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Thomas DESZPOT

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