Adieu vert-de-gris ! Les statues de la flèche de Notre-Dame de Paris ont retrouvé leur couleur d’origine

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Avant l’ouverture du chantier de restauration des 16 statues, en mars 2018, des cordistes ont pris une série de photographies pour documenter l’état de conservation permettant ainsi aux entreprises participant à l’appel d’offre de faire un premier diagnostic. Après plus d’un siècle et demi, ces œuvres étaient globalement en bon état. Cependant, des fissures apparues entre certaines plaques de cuivre, correspondant à des soudures disparues, avaient été colmatées à une époque récente. On constatait des déformations ponctuelles du cuivre et des impacts de balles datant probablement de la Seconde Guerre mondiale sur saint Marc, l’un des évangélistes.

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Une conception particulière

Dessinées par Viollet-le-Duc en 1857, ces statues de près de 3,50 mètres de haut sont en effet réalisées selon une technique particulière, visant à les alléger. À partir des modèles en plâtre créés par Victor Geoffroy-Dechaume, sculpteur érudit chargé de la restauration de la statuaire de Notre-Dame, elles ont été exécutées en minces plaques de cuivre martelées sur des matrices en fonte, fixées par un système d’étrier en cuivre sur une armature de fer et soudées entre elles. L’appel d’offre est remporté par SOCRA, à qui l’on doit la restauration de sculptures du même type, tels l’Archange du Mont-Saint-Michel, le Lion de la place Denfert-Rochereau à Paris ou les Quadriges du Grand Palais.

Charles Marville, Flèche de Notre-Dame conçue par Viollet-le-Duc en plomb et cuivre martelé, vers 1860, tirage sur papier albuminé présenté dans l'exposition « Notre-Dame de Paris » à la Crypte archéologique de l'île de la Cité, à partir du 9 septembre 2020 © Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris

Charles Marville, Flèche de Notre-Dame conçue par Viollet-le-Duc en plomb et cuivre martelé, vers 1860, tirage sur papier albuminé présenté dans l’exposition « Notre-Dame de Paris » à la Crypte archéologique de l’île de la Cité en 2020 © Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris

Du diagnostic à la restauration

L’entreprise procède d’abord à un démontage partiel des plaques de cuivre pour constater l’état de l’armature des statues et leur mode de fixation à la flèche. Leur structure est jugée assez solide pour permettre une dépose en bloc des statues. Les douze apôtres et les quatre symboles des évangélistes (les tétramorphes, à savoir le lion, le taureau, l’ange et l’aigle) prennent leur envol le 11 avril 2019, hissés au bout d’une chaîne par une grue de 80 mètres de haut. Destination les ateliers de SOCRA à Marsac-sur-l’Isle, près de Périgueux. « Le diagnostic de l’état des plaques de cuivre et de la structure en fer a été établi avec le concours du Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) qui a analysé leur oxydation, explique Richard Boyer, directeur général de SOCRA. Nous avons ensuite déterminé un protocole d’intervention à partir de l’une des statues. »

Les statues, sur la flèche, avant leur dépose ©Wikimedia Commons / Priscille Leroy

Les statues, sur la flèche, avant leur dépose ©Wikimedia Commons / Priscille Leroy

La restauration peut alors commencer, sous le contrôle, à chaque étape, de l’architecte en chef des monuments historiques et de la direction régionale des Affaires culturelles (Drac Île-de-France). Les statues sont démontées. Les apôtres se composent chacun de dix à quinze plaques de cuivre. Des relevés précis de chaque pièce, jusqu’aux moindres vis d’assemblage, sont effectués. Ce sont des dessins aquarellés, dans la belle tradition du compagnonnage. Aux points de contact avec le cuivre, l’armature de fer présente une oxydation plus importante due à un phénomène électrochimique.

Pour chacun des apôtres, un relevé très précis de chaque pièce de cuivre est réalisé © Gilles Bassignac

Pour chacun des apôtres, un relevé très précis de chaque pièce de cuivre est réalisé © Gilles Bassignac

Serrurier, chaudronnier dinandier et patineur

Les parties trop dégradées sont remplacées par des pièces forgées puis soudées. La structure nettoyée est traitée avec une peinture anticorrosion. Les parties en contact avec le cuivre sont en outre isolées par une couche de Téflon. Les plaques de cuivre originelles sont intégralement conservées. Un microgommage permet de retrouver le métal sain de couleur rosée sous l’épiderme corrodé. Les déformations sont redressées au marteau : « C’est un travail assez comparable à celui d’un carrossier restaurant une Bugatti », ajoute Richard Boyer.

Débarrassée de sa couleur vert-de-gris, une statue attend les prochaines étapes de sa transformation © Franck Renoir

Débarrassée de sa couleur vert-de-gris, une statue attend les prochaines étapes de sa transformation © Franck Renoir

Les trous sont colmatés par des « rustines » de cuivre, soudées à l’étain comme au XIXe siècle. Le serrurier qui a restauré l’armature et le chaudronnier dinandier, chargé des parties de cuivre, sont tous deux Compagnons du Devoir. Ensuite, intervient un troisième métier, celui du patineur, en l’occurrence une patineuse, qui a appris son métier dans le cadre d’une formation de reconversion auprès du patineur de SOCRA, auquel elle a succédé. Elle a été récompensée, ainsi que le chaudronnier dinandier, par une médaille d’argent de l’Académie d’architecture.

Adieu le vert-de-gris

La patine est obtenue par le barège, dérivé soufré passé au pinceau, à froid. « Cette oxydation accélérée chimiquement donne au métal une belle couleur brun chocolat, qui est celle du premier stade de l’oxydation du cuivre, explique Richard Boyer. Cette couleur conforme à la patine d’origine se distingue même sur les photographies noir et blanc des années 1860. Les statues s’y détachent presque noires sur la couverture en plomb gris clair. Ce contraste sombre/clair s’était inversé avec le temps. » Adieu donc le vert-de-gris, qui correspondait à un stade plus avancé de l’oxydation du cuivre, apparu soixante ans environ après la pose des statues ! Chauffé à 60 °C, le cuivre reçoit enfin une couche de cire protectrice. « Réalisée à l’aide de très petits chalumeaux, cette opération délicate, dernière étape de la restauration, nécessite une grande expérience, car il ne faut pas faire fondre les soudures à l’étain. »

Nouvelle patine en cuivre de la statue de saint Jude réalisée à l’aide d’un chalumeau © Franck Renoir

Nouvelle patine en cuivre de la statue de saint Jude réalisée à l’aide d’un chalumeau © Franck Renoir

Retour au sommet en 2025

Depuis 2020, les statues de la flèche de Notre-Dame de Paris sont conservées à la Cité de l’architecture et du patrimoine à Paris qui a consacré plusieurs expositions au chantier de reconstruction de la cathédrale. Elles y séjourneront jusqu’à le réinstallation sur la flèche en 2025. Comme nous l’explique Marie-Hélène Didier, conservateur général du patrimoine et et conservateur des Monuments historiques à la DRAC Île-de-France : « elles reviendront sur la flèche l’année prochaine. Il est impératif que la flèche soit totalement terminées ».


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