« Au Moyen Âge, les menuisiers, également appelés “huchiers de petite cognée” [petite hache, ndlr] fabriquent les coffres et les tables en bois massif. À la suite de la découverte de l’Amérique, les bois exotiques arrivent en Europe. Leur beauté et leur rareté expliquent la naissance du placage, qui consiste à recouvrir des meubles en chêne ou en peuplier et permet de créer des motifs. C’est au XVIIe siècle qu’apparaît le métier d’ébéniste, d’abord appelé “menuisier en ébène” », raconte Lucile Allinger, formatrice en certificat d’aptitude professionnelle (CAP) Ébénisterie chez les Compagnons du devoir, à Rennes.
Menuisier ou ébéniste ?
Aujourd’hui, l’ébéniste se consacre essentiellement à la fabrication de mobilier tandis que le menuisier fabrique des portes, des fenêtres, du parquet, des escaliers, des boiseries ou encore du mobilier d’agencement. Si les compétences requises sont sensiblement les mêmes, l’approche est différente. « Un menuisier réfléchit à l’assemblage le plus solide et veille à l’étanchéité de la porte ou de la fenêtre qu’il fabrique, alors que l’ébéniste réfléchit à l’esthétique puis aux techniques à mettre en œuvre », explique-t-elle.
En première année de CAP Menuiserie et Ébénisterie sont abordés les diverses essences de bois, l’usage des différentes machines : pour le débit, qui consiste à enlever l’écorce et l’aubier (partie tendre située juste sous l’écorce) puis à découper la pièce selon une largeur et une longueur définies, et pour le corroyage, ensemble des opérations (dégauchissage et rabotage) visant à dégrossir le bois sur toutes ses faces. C’est en deuxième année de CAP que les enseignements diffèrent un peu : s’ils apprennent les différents types d’assemblages – l’assemblage tenon-mortaise étant le plus traditionnel –, l’élève en menuiserie conçoit des ouvrages mixtes mêlant bois massif et panneaux de bois mélaminés pendant que l’élève en ébénisterie suit des cours en histoire de l’art et apprend la technique du placage.
Moulure et sculpture
« Nous travaillons avec du bois sec qui, en général, arrive dans l’atelier en “bille”, c’est-à-dire un tronc coupé en planches. Que ce soit pour un projet de création ou de restauration, nous réalisons un plan. Dans le cas d’une restauration, nous veillons à utiliser le même bois à chaque fois que c’est possible », explique Julien Bénéteau, menuisier formé chez les Compagnons du devoir. Conducteur de travaux au sein des Établissements Giffard (Val-de-Marne), il fait partie de l’équipe de Wilfrid Leray, qui coordonne tous les corps de métiers associés : le vernisseur-teinteur, les sculpteurs et le doreur. Les menuisiers procèdent à la dépose des éléments abîmés et à leur repose à l’issue de la restauration. Dans le cas où il y a des parties manquantes, ils conçoivent des greffes pour les moulures et les éléments ouvragés sont confiés à un sculpteur sur bois.
Depuis près de trente ans, Marcel Guignard, sculpteur sur bois formé à l’école Boulle et à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, restaure des pièces en bois sculpté et crée des décors. Pour reproduire les têtes d’angelots ornant les stalles du chœur, il a réalisé au préalable un dessin et une étude en modelage en s’inspirant des têtes existantes – toutes différentes – et en veillant à garder cette diversité. Pour d’autres pièces, telles que la poignée de l’épée de saint Paul et la clé de saint Pierre, Alexandre, le fils de Marcel Guignard, a mis au point une technique de moulage afin de prendre une empreinte de leur pendant encore intact pour restituer les éléments manquants. « Après avoir débité un morceau de bois et l’avoir chantourné [découpé selon des profils complexes, ndlr], nous sculptons avec des gouges et des fermoirs dans le sens du fil du bois existant », développe-t-il.
Vernis ou dorure
Une fois le bois assemblé ou sculpté, vient l’étape de la finition dont le rôle est de protéger ou de décorer. Menuisier et ébéniste de formation, Bernard Cuissard est devenu vernisseur-teinteur au sein des ateliers Saint-Jacques, basés à Saint-Rémy-lès-Chevreuse (Yvelines), avant de prendre en charge l’atelier de finition des Établissements Giffard. « Il n’y avait pas de formation à l’époque. Je formais une quinzaine de compagnons tous les ans. C’est un métier passionnant qui demande une bonne connaissance du bois et de ses réactions en fonction des finitions », explique-t-il. Il existe différents types de vernis : le vernis au tampon à base de gomme laque, en général appliqué au pinceau, et les vernis polyuréthane ou cellulosiques, appliqués au pistolet. « Alors que le premier, le plus ancien, donne un rendu forcément brillant ; les seconds offrent un rendu extra mat à très haut brillant », précise-t-il.
C’est à 16 ans que Maxime Seigneury a découvert le métier de doreur sur bois lors d’un stage d’une semaine dans l’atelier de son parrain. Il y restera trois ans tout en suivant un CAP Doreur à la feuille ornemaniste à La Bonne Graine, école d’ameublement de Paris. Le doreur maîtrise deux techniques : la dorure à l’eau ou dorure à la détrempe, et la dorure à la mixtion à base d’huile siccative. Une dorure peut être réalisée sur différents supports : bois, cuir, plâtre, métal ou pierre. Pour le chantier mené à Notre-Dame, Maxime Seigneury a repris des détails sur les statues et sur les feuillages et pistils de fleurs ornant la chaire à prêcher, selon la technique de la dorure à la mixtion, utilisée à l’époque. Selon lui, les qualités requises pour exercer le métier de doreur sont la patience et le calme pour être capable de retenir son souffle quand on pose la feuille d’or.
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