La Commission nationale de l’architecture et du patrimoine a donné un avis globalement positif à l’aménagement proposé. Elle réclame toutefois l’abandon des bancs en béton et le maintien des grilles de fermeture autour du square Jean XXIII.
La quarantaine d’experts de la Commission nationale de l’architecture et du patrimoine (CNPA), réunis en conclave jeudi matin, ont longuement ferraillé sur le projet ultra-controversé de réfection des abords de Notre-Dame de Paris. Après avoir écouté la présentation faite par le premier adjoint à la mairie de Paris Emmanuel Grégoire – qui, deux jours avant avait qualifié dans Le JDD les opposants au projet de menteurs -, ils ont globalement «approuvé» le projet, tout en l’assortissant de préconisations. « Ce que l’on nous a présenté n’est qu’un avant-projet, mais il nous a semblé nécessaire de réaffirmer que le square Jean XXIII devait demeurer fermé, pour des raisons de sécurité et de préservation. De même, nous avons demandé que le mobilier urbain, dont les bancs Davioud, soient conservés », explique le sénateur Albéric de Montgolfier, président de la CNPA.
L’architecte paysagiste chargé de la rénovation, Bas Smets, prévoit de faire pousser une forêt urbaine sur le parvis de Notre-Dame, d’installer des vestiaires sous le parvis et de créer des ouvertures sur la Seine. Derrière la cathédrale, une promenade urbaine et une pelouse iraient jusqu’à la pointe de l’île, vers le mémorial des Martyrs de la Déportation. « Nous avons écouté les explications de l’architecte paysagiste Bas Smets, qui s’est montré ouvert. Nous avons cependant bien senti que c’était plus un paysagiste qu’un urbaniste », témoigne un historien membre de la CNPA.
Si tous les experts de la Commission n’étaient pas d’accord sur l’opportunité d’aménager des espaces d’accueil pour les touristes en sous-sol, le groupe s’est réunifié autour de la nécessité d’ouvrir, à terme, un musée dédié à Notre-Dame de Paris. Si possible, dans des espaces de l’Hôtel-Dieu de Paris, bâtiment attenant et en pleine rénovation. Ce que ne prévoit pas le paysagiste, mais qu’Emmanuel Macron a appelé de ses vœux, à plusieurs reprises.
L’avis de la Commission, bien que consultatif, est généralement suivi d’effets. En, toute logique, la mairie de Paris devrait réclamer des modifications au paysagiste qu’elle a choisi parmi quatre autres. Mais l’approbation de jeudi matin, même avec des réserves, va sembler faible aux yeux des opposants au projet. Depuis des semaines, ce sujet n’en finit pas de susciter la controverse. Les critiques se centrent sur le projet de réaménagement du square Jean-XXIII – autrefois dénommé jardin de l’Archevêché – et du square de l’Île-de-France, tous deux situés sur la pointe orientale de l’île de la Cité. À l’aide de photos publiées sur les réseaux sociaux, le grand public est invité à faire une comparaison entre l’existant et ce que prévoient les équipes choisies par un jury. Imparable ! On y voit, d’un côté, un petit square fleuri et protégé par des grilles, et de l’autre, une vue d’architecte montrant des groupes de touristes assis sur une pelouse. Aménagé sur les instructions du préfet Rambuteau entre 1837 et 1844, orné l’année suivante d’une fontaine de la Vierge de style néogothique due à l’architecte Alphonse Vigoureux, le square Jean-XXIII est pittoresque, au point d’avoir servi à l’une des scènes du film Minuit à Paris de Woody Allen en 2011. Il est fermé depuis l’incendie de 2019. Il voisine avec le mémorial des Martyrs de la Déportation, en principe propice au silence et au recueillement. Selon les vues de l’architecte paysagiste, présenté en commission jeudi matin, le mobilier historique devait également être remplacé en partie par un mobilier contemporain, gris et plat, que l’on voit partout, à Paris ou ailleurs.
Espace patrimonial protégé d’un côté, ouvert et fréquenté de l’autre. « C’est toute la philosophie de la mairie de Paris, qui se targue d’espaces partagés, d’une nature débridée est ici résumée », explique Julien Lacaze, président de l’association Sites et monuments. Ce que les architectes Tangui Le Dantec et Dominique Dupré-Henry, cofondateurs de l’association « Aux arbres citoyens ! » ramassent dans une formule qui fait mouche : « C’est l’invasion du syndrome Paris-plage dans la politique d’aménagement des espaces publics parisiens. » En réclamant le maintien de grilles de fermeture, la commission semble les avoir entendus.
Ce qui n’empêche pas les opposants, dont Stéphane Bern, de dénoncer un « projet sans boussole », un « gadget populiste », et des aménagements « en quête de sens». Sites et monuments vient de signer, avec dix autres associations, une lettre ouverte au Président de la République, à la ministre de la Culture, la maire de Paris et le préfet de la région Île-de-France. « Nous vous prions d’arrêter d’urgence ce projet , écrivent-ils. Et sollicitons d’urgence l’organisation d’une réunion avec toutes les institutions impliquées dans le projet».
« Ces jardins aux identités singulières ne seront plus qu’un grand espace uniforme, ouvert, dégagé et sans charme. Des arbres seront supprimés ou voués à disparaître. La perforation du quai – pas moins de quatorze ouvertures sont prévues sur la Seine, détruisant ainsi les chaînages rythmant la promenade Maurice Carême – nous paraît une atteinte tout à fait inacceptable au site historique, alors que des cadres de portes et de fenêtres obturés subsistent sur place et pourraient être utilisés», jugent-ils. Cette lettre, datée du 9 mai, vient en appui de la pétition « Sauvons les squares de Notre-Dame », qui reprend les mêmes arguments et était signée, jeudi matin, par 44.000 personnes. On ne touche pas impunément à Notre-Dame, dont le sort funeste a suscité l’émoi du monde entier.
Après l’avis de la Commission et sa possible prise en compte par la Mairie de Paris, ce sera au tour de l’Architecte des bâtiments de France de donner son avis sur un projet qui risque encore de bouger.
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